Edda poétique (Myth.)

 

Edda 1

Frontispice d'un manuscrit médiéval des Eddas

 

Les Eddas sont deux manuscrits du XIIIe siècle fort différents qui constituent des compilations poétiques.

Le premier, est un manuel d’initiation à la mythologie nordique destiné aux jeunes poètes. Son auteur, Snorri Sturluson, un scalde islandais, était un grand seigneur qui s'est impliqué dans les luttes politiques de l'Islande et est mort assassiné. Il a aussi écrit une histoire des rois de Norvège. L'Edda de Snorri comprend la Gylfaginning (« la mystification de Gylfi ») qui rapporte les grands thèmes de la cosmogonie nordique, un traité d’art scaldique et un traité de métrique norroise.

Le second, le Codex Regius contient les grands poèmes sacrés et héroïques qui forment l'Edda poétique. Avant d'être rédigés, ces poèmes ont été transmis oralement pendant des siècles.

La poésie scaldique est avant tout affaire de forme, elle refuse le mot propre en lui substituant une périphrase ou métaphore et elle laisse toute liberté à l'agencement des mots, au mépris de la syntaxe. Elle permet ainsi des combinaisons infinies pour respecter les règles de la versification.

Bien avant l'époque viking qui s'étend de la fin du VIIIe siècle à 1150, la plupart des traits de la mythologie nordique sont en place. Les peuplades de chasseurs et de pêcheurs guerriers de Scandinavie subissent vers 4000 av. J.-C. les effets de l'invasion indo-européenne, cette civilisation conquérante impose progressivement sa vision du monde, sociale, politique et religieuse. Certains mythes relèvent d’une justification naturaliste. D'autres comme le combat entre Thor et le géant Hrungnir sont la transposition de rites d’initiation.

Même si, pris dans toute sa rigueur, le schéma trifonctionnel de Georges Dumézil s'applique mal au panthéon scandinave ancien, les dieux d'Asgarðr participent bien :

- de la fonction juridico-magico-sacerdotale (Odinn),

- de la martiale (Thor, Tyr, Odinn)

- et de la fertilité-fécondité (Vanes).

L'interprétation évhémériste consiste à voir dans les dieux des hommes divinisés : cette explication a été retenue par Snorri dans l'Ynglinga Saga où il fait d'Odinnun roi asiatique exilé, magicien et conquérant. La tradition héroïque rapportée par les poètes scandinaves remonte à des origines non nordiques. Le cycle de Sigurdr, meurtrier de Fàfnir traite de rois ou de héros qui ont réellement existé du IV e  siècle à la fin de l’ère viking. Ainsi Sigurðr rappelle le roi mérovingien Sigebert de Reims, fils de Clotaire, qui épouse avec faste la fille du roi wisigoth d'Espagne, Brunehilde, et est tué sur ordre de Frédégonde, épouse de son frère Chilpéric Ier en 575. Ces poèmes illustrent un milieu nettement aristocratique et n'insistent pas sur la nationalité : il s'agit de personnages puissants ayant une mentalité clanique. Le fond est toujours tragique, le thème unique est la lutte de l'homme contre le Destin dont l'issue ne peut être que la mort.

Snorri présente la cosmogonie nordique ancienne : à l'origine, il y avait le Ginnungagap, gouffre insondable de glace et de feu dont la fusion donne le premier être, le géant Ymir. Celui-ci est tué par sa descendance et le sang qui coule de ses blessures submerge la race qu'il a engendrée à l'exception d'un couple. La terre est faite de sa chair, les mers de sang, les montagnes de ses os, le ciel de son crâne, la forteresse Midgarðr de ses cils et les nuages de sa cervelle. L'idée de faire dériver la terre et le ciel des parties du corps d’un géant primitif et de faire naître la race humaine du bois appartient au patrimoine indo-européen. La grand frêne Yggdrasil est l'axe et le support des mondes, il plonge ses racines dans les domaines des dieux, des Géants et des hommes et descend jusqu’aux enfers. Il est l'arbre de la science (puisque le géant Mimir y habite), et l'arbre de la destinée car c'est la demeure des Nornes, les Parques du Nord. Il est le principe directeur et unifiant de tous les mythes nordiques.

 

Races Humaines

- Les Nains vivent sous terre, loin du soleil, ils sont à l'origine vraisemblablement les morts auxquels les anciens Scandinaves vouaient un culte.

- Les Géants remontent au chaos premier. Doués d'une force colossale et dépositaires de la science antique, ils figurent certainement cette crainte nordique de voir sombrer les forces de vie.

- Les Alfes ont des relations directes avec Freyr et doivent donc être liés au culte de la fertilité-fécondité. Ils patronnent Noël, la plus grande fête païenne de l'année et sont sans doute les esprits tutélaires des contrées, habitant les bois, les sources, les pierres etc., version scandinave du genius loci latin.

- Les Vanes sont proches des pratiques chamaniques, du sejdr (voir ci-après Freyja) et de la magie. Ce sont des dieux anormaux dont le culte, souvent assuré par des femmes, est lié aux orgies, à la prostitution sacrée, aux extases.

- Les Ases et les Vanes se sont affrontés dans une bataille capitale dont l’enjeu est la sorcière Gullveig dont le nom signifie « Ivresse d'or ».

 

Odin

Odin, illustration pour une édition suédoise des Eddas, Fredrik Sander, 1893

Le Panthéon Nordique :

- Odinn (ou Wotan) est le dieu suprême, il affectionne le sang des rois en sacrifice, sait tout et dirige les élus qui meurent pour lui au combat. Il est le dieu de la victoire, sans le moindre scrupule sur les moyens de l’obtenir.

- Les Vikings lui préfèrent Thorr avec son fabuleux appétit et sa façon particulière de terminer victorieusement les trop subtiles querelles par un bon coup de marteau. Ses attributs sont un char tiré par deux boucs, son marteau Mjölnir qui symbolise la foudre et une ceinture qui accroît sa force d’Ase. Sa fréquence dans les noms de personnes et de lieux dit son immense popularité. Thorr déborde largement le cadre des fonctions guerrières et justicières, il est aussi dieu de la fécondité, protecteur des cheptels et des récoltes, Mjölnir servant autant à consacrer et à protéger des forces du mal qu’à détruire. Le Chant de Thrymir, l'un des joyaux de l'Edda, chef-d’œuvre de l'art scaldique, est d'ailleurs consacré à ce marteau divin.

- Freyr, fils de Njördr de Noatun et frère de Freyja, est surtout vénéré en Suède. Dieu par excellence de la fertilité, ses animaux préférés sont le porc et l'étalon.

- Tyr est le dieu guerrier juriste ; son exploit, qui a permis aux Ases d’enchaîner le loup Fenrir, en a fait le type même du héros : c'est en quelque sorte l'analogue d'Hercule dans la mythologie grecque.

Le panthéon nordique n'a que deux déesses d’une envergure comparable à celle des principaux Ases. Ce sont Frigg, femme d’Odinn et Freyja, sœur de Freyr.

- Frigg correspond à Héra pour les Grecs, épouse de Wotan et déesse protectrice du mariage.

- Le culte de Freyja est essentiellement érotique, elle évoque certaines divinités orientales comme Cybèle. Elle est censée avoir enseigné la science magique du sejdr à Odinn. Son image lascive et voluptueuse est un des plus sûrs liens qui rattachent le Nord au monde indo-européen.

- Heimdallr est l'Ase blanc, fils de neuf vierges qui étaient sœurs. Veilleur des dieux, il garde le pont de Bifrost (Arc en ciel) et ébranle les mondes du son de sa trompe à l'annonce du Ragnarök (fin du monde).

- Loki rassemble en sa personne toutes les conceptions que l'on peut se faire du mal. Il est directement responsable, non seulement des mésaventures des dieux, mais aussi de la fin du monde. Il serait lié à Odinn par une fraternité sacré et présente en effet une identité de nature avec lui (ruse, immoralité). Il serait son double symbolique, fauteur de désordre lorsque Odinn est garant de l'ordre. Le grand poème où il joue le premier rôle est la Lokasenna (les Sarcasmes de Loki) où sa nature luciférienne éclate. Certains ont cru voir dans ce poème une influence chrétienne mais il ne faut pas douter de l'archaïsme de cette étrange divinité. Loki s'invite au banquet des Ases et insulte les dieux : il ironise sur la prétendue couardise de Bragi (dieu de la poésie, art de nature magique sans doute à l’origine apanage des femmes), sur les multiples partenaires de Freyja, sur les mésaventures de Tyr, puis il se moque de Njördr, Freyr, Heimdallr…, avant que Thorr n’intervienne pour le réduire au silence. Loki est enchaîné à un rocher et un serpent accroché au-dessus de son visage lui crache son venin.

- Dans le monde corrompu et déshonoré qui s’apprête à connaître la « Consommation du destin des Puissances », le principe de la bonté n’est plus viable or il s’incarne dans Baldr, être de lumière et de perfection.

 

La Völuspa :

Composée vers l'an 1000, la Völuspá (Prédiction de la Prophétesse) est l'un des plus beaux poèmes sacrés qui soient. Son auteur est un païen chérissant l'esprit qui anime les dieux et les mythes. Alors que le triomphe du christianisme devient évident, il offre au monde cette vision dantesque qui rejoint l'indéracinable espérance indo-européenne d'une béatitude éternelle. La Völuspá peint tout le cycle de l'histoire universelle : les dieux organisent le monde et le hiérarchisent, les Nornes fixent la destinée des mortels, les Ases et les Vanes se battent puis s'unissent, Baldr est tué et Fenrir se libère ce qui déclenche l'apocalypse du Ragnarök. De nombreux Ases meurent mais leur victoire permet la renaissance du monde. Toute l'histoire des dieux et des hommes est immergée dans une durée inexorable dont la marche est connue et inflexible. Le temps dans lequel évoluent les poèmes de l'Edda est un présent d’après la fin des temps où l’on se rappelle, ou bien un passé d’avant l’origine des temps que l'on craint.

Les textes par lesquels nous connaissons la religion du Nord baignent littéralement dans la magie. À tout moment s'impose la nécessité de supposer tout un arrière-plan de paroles et de pratiques magiques, de conceptions relevant de la sorcellerie. La Gylfaginning, au titre éloquent, est tout entière la relation d’une aventure magique. Les aventures de Thorr ne sont qu’une transposition de tant de pratiques magiques disséminées aussi dans les sagas. Par exemple, il tue ses boucs, mange leur chair puis les ressuscite en consacrant leurs dépouilles avec son marteau. C'est peut-être le substrat autochtone scandinave qui est responsable de la forte coloration magique de la religion nordique, coloration que ne possède pas à ce point le monde indo-européen. Le chamanisme est l'ensemble des pratiques et croyances conservées jusqu'à une époque récente dans l'Europe du Nord-Est, l'Asie et l'Amérique. Il repose avant tout sur la croyance en l'autre monde où vont les morts et sur les possibilités laissées aux vivants de communiquer par magie avec lui. Le chaman entre en transe et est alors capable de voyager en esprit au pays des morts, de rendre visite aux dieux pour obtenir la connaissance des choses cachées, de sauver une âme chassée de son corps par la maladie ou la folie, de dire l’avenir… Pour acquérir ces prérogatives, le chaman a dû subir une séance d’initiation douloureuse qui seule le dotera de la force et de la science. Le trait essentiel de cette cérémonie consiste à feindre la mort du candidat et à simuler sa résurrection. Peu avant sa mort, Baldr fait d’affreux rêves prémonitoires. Odinn, le dieu-chaman, décide d’aller consulter au royaume des morts une voyante qui lui révèlera le sort de son fils. Une autre opération magique dépeinte dans un poème consacré à Freyja, mère de la science noire, consiste à transformer un protégé en animal pour lui éviter des malheurs. Les runes sont inséparables de toute opération à caractère magique. Il faut les graver avec un instrument pointu, les teindre du sang des victimes, les interpréter et les exploiter en trouvant les formules d'« envoi » et de prière. Les runes ont de nombreuses vertus : guérir les maladies, défaire les ennemis, arrêter la flèche au vol, combattre les maléfices magiques, calmer la mer en tempête, ressusciter les morts. Elles remonteraient au mythe archaïque de la tête qui parle (Mimir). Pour acquérir la science des runes, Odinn s'est pendu à l’arbre de la connaissance des chamans, la souffrance qu'il a endurée est indissociable de l'initiation.

Quel retentissement a pu avoir cet ensemble complexe et hautement élaboré de mythes et de symboles sur les hommes de l'époque ? Tant pour décrypter les kenningar (périphrases métaphoriques) que pour percer les mystères des runes, il fallait science et patience. Les poèmes eddiques, relevant d'un art évolué, n'étaient-ils intelligibles qu'à une élite ? C'est sans doute faux tant les mythes nordiques correspondent intimement aux goûts des hommes de ce temps. Même la christianisation de la Scandinavie ne parviendra pas à faire mourir l'esprit de l'Edda.

Catégories

  • Alvíssmál

     

    800px all wise answers thor

    Dans la mythologie nordique, les Alvíssmál (Les Dits d'Alvíss) sont un poème de l'Edda poétique datant probablement des XIIe ou XIIIe siècles qui présente une conversation entre le dieu Thor et le nain Alvíss (Tout-Savant). Le poème est didactique, se présentant sous forme de questions et de réponses ; il est ainsi comparable à l'autre poème eddique les Vafþrúðnismál. Ce poème est notable par la forte utilisation du heiti, qui est une sorte de synonyme souvent utilisé en poésie skaldique, moins élaboré mais comparable au kenning.

    Alvíss exige de Thor la main de sa fille, Thrúd, qui lui a manifestement été promise auparavant. Thor refuse, alléguant qu'il n'était pas présent lorsque cette entente fut conclue (4). Il propose alors qu'Alvíss se soumette à un test de sagesse au terme duquel il pourra obtenir la jeune fille :

    8.

    "L'amour de la vierge

    Te sera accordé,

    Hôte sage,

    Si tu sais

    Dire de chaque monde

    Toute ce que je veux savoir.

    Thor questionne alors le nain à treize reprises sur le nom donné dans chaque monde - c'est-à-dire par les Ases, les Vanes, les géants, les nains et les elfes - à la terre, au ciel, à la lune, au soleil, aux nuages, au vent, au temps calme, à la mer, au feu, à la forêt, à la nuit, à la semence et enfin à la bière.

    Chacune de ses nouvelles questions, Thor l'introduit par ces trois mêmes vers :

    Thorr dit :

    9.

    "Dis-moi ceci, Alvíss,

    - Toutes les destinées des hommes,

    Je tiens, nain, que tu les sais -.

    […]

    Alvíss a une réponse à toutes les interrogations de Thor, il est toutefois abusé car le soleil se lève à la fin du poème, surprenant le nain, aussitôt pétrifié :

    35.

    "En un seul sein

    Jamais n'ai vu

    Plus d'antique science.

    Grande fourbe,

    Je le déclare, t'a abusé.

    Sur toi, nain, l'aube point.

    Voici que le soleil scintille dans la salle."

    En effet, les nains dans la mythologie nordique deviennent pierre au contact de la lumière du soleil. C'est le seul épisode où Thor utilise un stratagème afin de déjouer un adversaire puisque, habituellement, il se contente d'utiliser la force brute.

  • Baldrs draumar

     

    Maxresdefault

    Baldrs draumar (« Les rêves de Baldr ») ou Vegtamskviða (« Chant de Vegtamr ») est un poème eddique préservé dans le manuscrit islandais AM 748 I 4to. Il est l'un des deux textes contenant des informations sur le mythe de la mort de Baldr, avec le Gylfaginning. Avec 14 strophes, Baldrs draumar est l'un des plus courts poèmes de l'Edda poétique.

    Le récit raconte que Baldr fait des cauchemars. Odin chevauche alors vers Niflhel pour obtenir des informations d'une völva (voyante). Pendant la conversation qui suit, la völva informe Odin de la mort prochaine de Baldr et que Höd sera son meurtrier. Baldr sera ensuite vengé par Vali. À la fin, la völva exige qu'on ne la dérange plus jusqu'à la fin prophétique du monde, le Ragnarök.


    Baldrs draumar (« Les rêves de Baldr ») est préservé complet avec ce titre dans le manuscrit islandais AM 748 I 4to, rédigé vers 1300. C'est un des rares poèmes de l'Edda poétique qui n'est pas préservé dans le Codex Regius. Des manuscrits plus récents l'appellent Vegtamskviða, soit le « Chant de Vegtamr », en référence au nom Vegtamr que se donne Odin dans le poème. Le poème était à l'origine probablement composé au XIIe siècle. Sophus Bugge pense qu'il a été composé par l'auteur de Hrafnagaldur Óðins.

    1.

    Senn vorv æsir

    allir a þingi

    ok asynivr

    alla a mali,

    ok vm þat ræðv

    rikir tifar,

    hvi væri Balldri

    ballir dravmar.

    1.

    Une fois, tous les Ases

    Étaient au thing

    Et les déesses ases,

    Toutes en délibération ;

    De cela discutaient

    Les dieux puissants :

    Pourquoi Baldr était

    En proie aux rêves sanglants.

     

    Les Ases s'inquiètent des cauchemars du dieu Baldr, alors Odin chevauche son cheval Sleipnir vers le monde des morts, Niflhel. Il trouve le lieu d'enterrement de la voyante et la ressuscite avec un charme funèbre. Odin se présente avec un nom d'emprunt, Vegtamr (vieux norrois pour « Familier des Chemins »), et demande pour qui sont les bancs recouverts d'or à Niflhel. Elle répond qu'ils ont préparé l'hydromel pour l'arrivée de Baldr chez les morts. Alors Odin demande qui sera le meurtrier de son fils, et elle révèle que ce sera Höd avec un « rameau renommé » (une branche de gui). Odin lui demande encore qui vengera Baldr en tuant Höd. Elle répond que Rind concevra Vali qui ne se lavera pas tant qu'il n'aura pas vengé Baldr. Odin lui demande enfin quelles vierges se lamenteront. La voyante reconnait qu'il s'agit d'Odin et ce dernier lui répond qu'elle n'est pas la voyante mais « la mère des trois Thurses » (ainsi il pourrait s'agir d'Angrboda, qui de Lokiconçut le loup Fenrir, le serpent Jörmungand et Hel). La voyante lui ordonne alors de partir, et exige qu'on ne lui rende plus visite avant que Loki se libère de ses chaînes pour la fin prophétique du monde, le Ragnarök.

  • Fjölsvinnsmál

     

    1024px menglo and nine maidens by froelich

    Le Fjölsvinnsmál (les Dits de Fjölsvinnr) est un poème rattaché au recueil de textes de mythologie nordique Edda Poétique, trouvé dans plusieurs manuscrits du XVIIe siècle mais le poème a sans doute été composé au XIIe siècle. Plusieurs éditions récentes regroupent ce poème avec un autre appelé Grógaldr sous le titre global de Svipdagsmál (les dits de Svipdagr), car ces deux poèmes mettent en scène le même personnage Svipdagr et le Fjölsvinnsmál constitue une suite au Grógaldr .

    Dans le poème précédent, le Grógaldr, Svipdagr demande à sa mère Gróa de lui chanter des incantations pour le protéger dans son voyage vers la demeure de Menglöd qu'il doit épouser.

    Le Fjölsvinnsmál est composé de 50 strophes. Au début un homme (Svipdagr) arrive aux portes d'un château sur une montagne. Il se présente sous le nom de Vindkaldr au gardien du lieu, appelé Fjölsvinnr (ce qui signifie Tout-savant, il pourrait s'agir d'Odin). Fjölsvinnr l'avait ordonné de s'en aller. Ensuite un jeu de questions s'ensuit, où Vindkaldr interroge Fjölsvinnr sur de nombreux sujets, et fini par apprendre que Menglöd vit dans le château et que seul celui qui s'appelle Svipdagr a le droit d'y entrer. Vindkaldr révèle que son vrai nom est Svipdagr, ainsi les portes lui sont ouvertes et Menglöd l'accueille.

  • Grímnismál

     

    Wagner grimnismal 1 geirrodhr grimnir

    Le Grímnismál (Les dits de Grímnir) est l'un des poèmes mythologiques de l’Edda poétique. Il y est parlé d'après la voix de Grimnir, une des nombreuses apparences d'Odin, qui est (par erreur) torturé par le roi Geirröth. Le poème commence avec une longue section de prose qui décrit les circonstances de cette condamnation et qui débouche sur le monologue de Grimnir, qui contient 54 strophes. Le dernier morceaux du poème est aussi en prose, c'est une brève description de la mort de Geirröth (mort de sa propre épée), l'ascension de son fils et la disparition d'Odin. On peut noter que les sections en prose ne faisaient pas partie de la version orale d'origine du Grímnismál.

  • Grógaldr

     

    Le Grógaldr, « l'incantation de Gróa », est un poème rattaché au recueil de textes de mythologie nordique Edda Poétique, trouvé dans plusieurs manuscrits du XVIIe siècle. Plusieurs éditions récentes regroupent ce poème avec un autre appelé Fjölsvinnsmál sous le titre global de Svipdagsmál (les dits de Svipdagr), car ces deux poèmes mettent en scène le même Svipdagr et constituent en quelque sorte une suite.

    Le poème comprend 16 strophes et met en scène une mère völva, Gróa, qui récite des galdrar, des charmes magiques, à son fils Svipdagr qui le lui demande, pour lui assurer du succès dans sa quête. Dans la première strophe, on apprend que Svipdagr ressuscite sa mère hors de sa tombe pour lui demander de l'aide.

     

    Sonr kvað :

    1.

    Vaki þú, Gróa,

    vaki þú, góð kona,

    vek ek þik dauðra dura;

    ef þú þat mant,

    at þú þinn mög bæðir

    til kumbldysjar koma.

     

    Svipdagr chante :

    1.

    Éveille-toi, Gróa,

    Éveille-toi, excellente femme,

    Je t'éveille aux portes de la mort,

    Si tu te rappelles

    Que tu prias ton fils

    De venir au tertre.

     

    On apprend que la belle-mère de Svipdagr lui a ordonné de trouver Menglöd pour l'épouser, chose qu'il considère impossible comme il le dit à la strophe 3 :

     

    þar bað hon mik koma,

    er kvæmtki veit,

    móti Menglöðu.

     

    Elle m'ordonna d'aller

    Là où nul n'en a loisir,

    Trouver Menglöd.

     

    Svipdagr demande à sa mère qu'elle incante les incantations secourables. Gróa s'exécute et lui chante neuf sors magiques, ou incantations, pour le protéger dans ses divers périples. Le poème fera plusieurs références aux puissances divines et mythologiques ce qui supposerait des origines païennes à ce poème malgré son écriture tardive (XIIe siècle au plus tôt) qui révèle tout de même des touches chrétiennes.

  • Gróttasöngr

     

    La Gróttasöngr (« chanson de Grótti ») est un poème rattaché à l'Edda poétique, recueil de poèmes de la mythologie nordique. Cette chanson a été préservée dans plusieurs manuscrits datant d'après le Codex Regius, mais on suppose qu'elle a été composée à la fin du Xe siècle. Elle comporte un long texte d'introduction en prose suivi de 24 strophes et met en scène deux géantes esclaves, Fenja et Menja, se rebellant contre leur maitre.

  • Gylfaginning

     

    La Gylfaginning (« la mystification de Gylfi » en vieux norrois) est la première des trois parties de l’Edda de Snorri Sturluson. Elle prend la forme d’un dialogue entre le roi Gylfi et trois personnages régnant sur Ásgard. Leur entretien sert de cadre à une présentation cohérente de la mythologie nordique.

    Le roi Gylfi régnait en Scandinavie. Il offrit un jour à une vagabonde qui l’avait distrait une partie de son royaume, aussi grande que ce que quatre bœufs pourraient labourer en un jour et une nuit. Mais cette vagabonde était une Ase, Gefjon. Les bêtes de trait qu'elle employa étaient en réalité les enfants qu’elle avait eus avec un géant. Elles labourèrent si bien le sol qu’une portion de territoire se détacha, formant l’île de Seeland. Surpris du pouvoir des Ases, Gylfi se demanda s’il ne provenait pas des dieux qu’ils révéraient. Aussi se mit-il en route pour Ásgard. Quand il arriva, il découvrit une halle gigantesque, la Valhöll. Il fut introduit auprès des maîtres des lieux : Haut, Également-Haut et Troisième. Gylfi les interrogea alors sur leurs dieux. Au terme de ce questionnement, Gylfi entendit un grand bruit. Lorsqu’il regarda autour de lui, la halle avait disparu : il avait été le jouet d’une illusion.

    En réponse aux interrogations de Gylfi, ses hôtes racontent d’abord l’origine du monde, la naissance des premiers dieux et l’apparition de l’homme. Il est ensuite question du frêne Yggdrasil, ce qui permet d’évoquer notamment la source de Mimir et les Nornes. Vient ensuite une présentation successive des différents dieux, d’Odin à Loki, dont les trois enfants monstrueux (Fenrir, le serpent de Midgard et Hel) sont présentés. Les déesses et les Valkyries sont aussi évoquées. La Valhöll est ensuite décrite, puis les Einherjar. Sont également racontées l’origine du cheval Sleipnir et donc la construction d’Ásgard. Gylfi demande alors à ses interlocuteurs si Thor a jamais rencontré plus fort que lui. Ceux-ci, réticents, sont toutefois contraints de raconter son voyage chez Útgardaloki. Il est ensuite question de la revanche de Thor sur le serpent de Midgard lors de son voyage chez Hymir. Ce sont ensuite la mort de Baldr et le châtiment de Loki qui sont racontés. Survient alors le récit du Ragnarökr, et enfin l’évocation de la naissance d’un monde nouveau.

     

  • Hárbarðsljóð

     

    Le Hárbarðsljóð (en français, le Lai de Hárbardr ou le Lai de Barbe-Grise) est un poème de l'Edda Poétique, recueil de poèmes de la mythologie nordique. Il nous est conservé dans le Codex Regius et les manuscrits AM 748 I 4to. Ce poème comprend 60 strophes, et met en scène le dieu Thor et un passeur nommé Hárbardr (Barbe Grise) qui se livrent à une joute d'injures.

    Un court texte en prose situe la scène, où Thor arrive du monde des géants à un détroit et voit un passeur avec son bateau sur l'autre rive.

    Les vers commencent lorsque Thor demande au passeur de se présenter et la réponse du passeur l'introduit dès le départ en personnage sarcastique, voir insultant :

    1.

    Hverr er sa sveinn sveina,

    er stendr fyr svndit handan?

    1.

    Qui est ce garçon des garçons

    Qui se tient au-delà du détroit?

    Feriokarlinn svaraþi :

    2.

    Hverr er sa karl karla,

    er callar vm vaginn?

    Il répondit :

    2.

    Qui est ce gaillard des gaillards

    Qui appelle par-delà l'onde?

    Thor lui propose de le faire passer le détroit en échange d'un repas, mais le passeur lui répond par des insultes. Thor se présente, puis le passeur, qui se nomme Hárbardr. S'ensuit une série d'échanges, où Hárbardr vante ses prouesses sexuelles, et ses capacités magiques et tactiques, en demandant au fur et à mesure ce que Thor a fait en ce temps. Thor répond successivement en comptant ses aventures où il tua des géants et protégea les mondes des dieux (Ásgard) et des hommes (Midgard). À plusieurs reprises dans le poème, les protagonistes font référence à des aventures que l'on ne connait pas (par exemple, la strophe 20), sans doute de véritables légendes qui n'ont pas survécu jusqu'à nous. D'autres références sont attestées dans d'autres textes mythologiques de l'Edda poétique et de l'Edda de Snorri. À la fin, après l'avoir insulté tout ce temps, Hárbardr dit à Thor de faire un détour pour passer et le maudit.

    De nombreux spécialistes aujourd'hui affirment que Hárbardr n'est nul autre qu'Odin, car selon le Grímnismál il s'agit d'un des noms d'Odin. De plus la joute expose les fonctions particulières de ces dieux. En effet, selon Georges Dumézil, Odin et Thor représentent chacun deux aspects de la fonction guerrière ; Odin est la science et la ruse alors que Thor la force et la volonté. Cet antagonisme est très clair dans ce poème. Ensuite, Hárbardr se vante de ses conquêtes de géantes, ce que fait Odin dans le Hávamál.

    Or certains spécialistes pensaient plutôt que Hárbardr est le dieu Loki. Loki se vantant d'exploits est plus courant qu'Odin, et ici Hárbardr accuse Sif, la femme de Thor, d'adultère, ce que Loki fait aussi dans la Lokasenna. Mais cette théorie est moins défendue aujourd'hui.

    Le genre de ce poème est classique ; une joute consacrée à l'avilissement de l'adversaire et à l'exaltation de soi. Selon Einar Sveinsson, ce poème rapporte une des nombreuses versions possibles d'une histoire improvisée par chaque poète. L'exaltation de ses exploits correspond à un divertissement germanique très célèbre, le mannjafnadr, qui apparait dans de nombreux textes mythologiques. On retrouve une joute comparable dans le poème épique anglo-saxon Beowulf, où le héros Beowulf et Unferth se défient en paroles sur la décision de Beowulf d'aller combattre le monstre Grendel.

  • Havamal. Dits du Très-Haut

     

    The stranger at the door

    The Stranger at the Door (1908) par William Gershom Collingwood.

    Le Hávamál est un poème didactique de l'Edda poétique révélant la vie du monde paysan concrète, existence terre à terre des bondi, possesseurs du sol. Ce poème du monde paysan qui préserve les mythes de l'Edda poétique et la dimension épique de l'aventure humaine est attribué au dieu de la poésie Odin. Il donne en substance des conseils de sagesse sur un mode de vie qu'est censé appliquer tout bonhomme ou prud'homme.

    Son titre peut se traduire par « les Dits du Très Haut » ou « les paroles du Très Haut » ou encore « les grands conseils » ou « la grande langue ».

    Loin d'être dogmatique, ce texte eddique réparti en 165 strophes est empli de sous-entendus qui, via une forme souvent anecdotique, permettent au lecteur (et à l'origine à l'auditeur, car il est issu de la tradition orale des Scaldes et des conteurs) de s'enrichir spirituellement.

    Le personnage narrateur (le dieu Odin) est confronté au fil du texte à des situations profondément humaines, proches (pour la plupart) de celles que nous rencontrons tous au quotidien.

    Une strophe du poème existe au moins depuis 980 puisqu'elle est reprise dans le poème Hákonarmál du scalde Eyvindr Skáldaspillir, et on attribue au Hávamál une origine norvégienne.

     

    Voici ci-dessous la version pdf traduite par Régis Boyer

     

    Havamal frhavamal-fr.pdf (109.77 Ko)

     

    HAVAMAL 
     
    Les Dits du Très-Haut 
    (Traduction de Régis Boyer) 
     
     
     
     
    1. Avant de pénétrer 
    Que l'on surveille à la ronde, 
    Que l'on examine 
    Toutes les entrées 
    Car on ne sait jamais 
    Où les ennemis 
    Siègent sur les bancs de la salle 
     
    2. A ceux qui donnent, salut ! 
    Un hôte est entré 
    Où doit-il s'asseoir, celui-là? 
    Bien empressé 
    Celui qui, auprès du feu, 
    Veut éprouver son renom. 
     
    3. De feu a besoin 
    Celui qui est entré, 
    Gelé jusqu'aux genoux; 
    De nourriture et de vêtement 
    A besoin l'homme 
    Qui a voyagé par les montagnes. 
     
    4. D'eau a besoin 
    Celui qui vient au festin, 
    De linge pour se sécher et de cordiale bienvenue, 
    D'affabilité, 
    S'il peut en disposer 
    Et qu'on se taise quand il parle. 
     
    5. A besoin de sagacité 
    Celui qui voyage au loin; 
    Chez soi, tout est facile. 
    Il sera tourné en dérision 
    Le bon à rien 
    Qui parmi les sages s'assoit. 
     
    6. De sa sagesse 
    On ne devrait pas se vanter,
    Mais être sur ses gardes : 
    Quand on est sage et taciturne, 
    On revient chez soi, 
    Rarement malheur advient au sage 
    Car on ne trouve jamais 
    Ami plus constant 
    Qu'une grande intelligence. 
     
    7. Que l'hôte prenne encore garde 
    Qui vient au festin. 
    Ouïe fine et silencieux, 
    Ses oreilles écoutent 
    et ses yeux examinent, 
    C'est ainsi que tout sage s'enquiert. 
     
    8. Heureux celui-là 
    Qui s'acquiert 
    Louanges et bonne réputation. 
    Plus suspect est 
    De tirer son inspiration 
    Du sein d'autrui. 
     
    9. Celui-là est heureux 
    Qui pour soi-même obtient 
    Louange et estime, tant qu'il vit 
    Car mauvais conseils 
    On a souvent reçus 
    Du sein d'autrui. 
     
    10. Il n'est meilleur fardeau 
    A porter sur sa route 
    Que n'est grande sagacité; 
    Cela passe richesse 
    En lieu où l'on n'est pas connu, 
    C'est le refuge du pauvre. 
     
    11. Il n'est fardeau meilleur 
    A porter sur sa route 
    Que n'est grande sagacité; 
    Mais il n'est pire viatique 
    A transporter par la plaine 
    Qu'un trop grand appétit de bière. 
     
    12. N'est pas aussi bonne 
    Que bonne on la dit 
    La bière, pour les fils des hommes;
    Car plus il boit 
    Moins l'homme garde 
    Le contrôle de ses esprit. 
     
    13. Héron de l'oubli s'appelle 
    L'oiseau qui plane au-dessus des banquets: 
    Il dérobe bon sens aux hommes; 
    C'est sans les plumes de cet oiseau 
    Que je fus capturé 
    Dans l'enclos de Gunnlöd. 
     
    14. Ivre de bière je fus 
    J'avais trop pris de bière 
    Chez le sage Fjalar; 
    Car beuverie est d'autant meilleure 
    Que chacun retrouve 
    Ses esprits par la suite. 
     
    15. Silencieux et pensif 
    Faudrait que fût le fils du chef, 
    Et hardi au combat; 
    Joyeux et content 
    Faudrait que chacun fût 
    Jusqu'à ce que mort vienne. 
     
    16. L'inavisé 
    Croit qu'il vivra toujours 
    S'il se garde de combattre, 
    Mais vieillesse ne lui 
    Laisse aucun répit, 
    Les lances lui en eussent-elles donné. 
     
    17. L'imbécile regarde bouche bée 
    Qui vient en visite, 
    Le voilà qui marmonne ou reste taciturne; 
    Que tout soudain, 
    Il obtient une lampée : 
    Envolé le bon sens! 
     
    18. Celui-là sait 
    Qui voyage au loin 
    Et a parcouru maints pays. 
    Quelle trempe 
    A quiconque 
    Possède savoir et sagesse! 
     
    19. Qu'on ne se cramponne pas à la corne à boire 
    Qu'en outre on boive modérément' hydromel, 
    Qu'on parle si c'est besoin, sinon qu'on se taise; 
    De manquer de bon sens 
    Nul ne te reprochera 
    Quand tu irais tôt te coucher. 
     
    20. Le goinfre 
    A moins qu'il ne veille à son bon sens, 
    Mange à se rendre malade pour la vie; 
    Souvent par sa panse, 
    L'idiot provoque le rire 
    Quand il vient parmi les sages. 
     
    21. Les troupeaux savent 
    Quand ils doivent rentrer 
    Et ils quittent alors le pâturage; 
    Mais l'insensé 
    Jamais ne connaît 
    La capacité de sa panse. 
     
    22. Le misérable 
    Et malintentionné 
    Rit à n'importe quoi; 
    Mais ce qu'il ne sait pas 
    Et qu'il devrait savoir, 
    C'est qu'il n'est pas sans défaut. 
     
    23. Le sot 
    Veille toutes les nuits, 
    Réfléchissant à tout à rien; 
    Aussi est-il épuisé 
    Quand vient le matin: 
    Toute peine est restée ce qu'elle était. 
     
    24. L'inavisé 
    Pense que tout ceux 
    Qui rient avec lui sont ses amis; 
    Mais ce qu'il ne découvre pas 
    C'est qu'on parle guère en sa faveur, 
    S'il est assis parmi les sages. 
     
    25. L'inavisé 
    Pense que tout ceux 
    qui rient avec lui sont ses amis: 
    Alors découvre Quand vient au thing 
    Qu'il y en a peu qui parlent pour lui. 
     
    26. Le sot 
    Pense tout savoir
    S'il se tient en un coin tranquille;
    Mais ce qu'il ne sait pas
    C'est ce qu'il doit répliquer
    Si les hommes le mettent à l'épreuve.
     
    27. Le sot 
    Qui va parmi les hommes, 
    Le mieux est qu'il se taise; 
    Nul ne sait 
    Qu'il n'est capable de rien 
    A moins qu'il ne parle trop; 
    On ne sait pas 
    Qu'il ne sait rien 
    S'il s'abstient de trop parler. 
     
    28. Celui-là seul se tient pour sage 
    Qui peut tout mêmement 
    Faire questions et réponses; 
    Les fils des hommes ne peuvent 
    Jamais cacher 
    Ce qui se passe parmi les gens. 
     
    29. Stupidités en suffisance 
    Dit celui-là 
    Qui jamais ne se tait; 
    Une langue volubile 
    Si elle n'a pas de bride 
    Souvent se porte préjudice. 
     
    30. Pour objet de dérision 
    Ne faut que nul ne prenne autrui 
    Quand il arrive au banquet; 
    Maint alors s'estime sage 
    S'il n'est pas questionné 
    Et peut garder la peau sèche. 
     
    31. Sage s'estime 
    Celui qui prend la fuite, 
    Hôte friand de se moquer de son hôte; 
    Il ne sait pas bien 
    Celui qui ricane au repas 
    Si ce n'est pas avec des coquins qu'il caquète. 
     
    32. Bien des hommes 
    Sont mutuellement affables, 
    Mais au repas ils se querellent; 
    Discorde entre les hommes, 
    Cela sera toujours:
    L'hôte se chamaille avec l'hôte. 
     
    33. Repas de bon matin 
    Faudrait faire souvent, 
    A moins qu'on aille au banquet; 
    Alors on s'assoit et on agite les mâchoires, 
    On fait celui qui a faim 
    Et on sait ne parler guère. 
     
    34. Grand détour 
    Mène chez l'ennemi 
    Quand bien même il habite sur la grande route; 
    Mais pour aller chez l'ami cher, 
    Les routes sont directes 
    Même s'il est parti au loin. 
     
    35. Il faut partir. 
    Il ne faut pas que l'invité 
    Séjourne éternellement en même lieu; 
    D'agréable, on devient odieux 
    Si l'on reste longtemps 
    Sur le banc d'autrui. 
     
    36. Un chez-soi est meilleur 
    Même s'il est petit : 
    Chez soi chacun est maître 
    Quand bien même on aurait deux chèvres 
    Et une hutte au toit de chaume 
    C'est toujours mieux que la mendicité. 
     
    37. Un chez-soi est meilleur 
    Même s'il est petit : 
    Chez soi chacun est maître; 
    Saignant est le coeur 
    De qui doit mendier 
    Sa nourriture de chaque repas. 
     
    38. De ses armes, sur la plaine, 
    Point ne faut 
    D'un pas s'éloigner, 
    Car on ne sait jamais 
    Quand, sur le grand chemin, 
    On aura besoin de sa lance. 
     
    39. Point n'ai trouvé homme si généreux 
    Ou sur la nourriture si libéral
    Qu'il ait refusé ce qu'on lui donnait, 
    Ou de son bien 
    Si peu pingre 
    Qu'il ait trouvé haïssable le dédommagement. 
     
    40. De son argent 
    Et de ce qu'on a reçu, 
    On ne devrait pas se refuser de jouir : 
    Souvent on épargne pour le détestable 
    Ce qu'au délicieux on destinait; 
    Mainte chose va pis que prévu. 
     
    41. D'armes et d'étoffes 
    Doivent amis se réjouir, 
    C'est qu'on voit le mieux sur soi-même; 
    Large donnants et bien redondants 
    Sont amis le plus longtemps 
    Si le temps leur en est laissé. 
     
    42. De son ami 
    On doit être l'ami 
    Et rendre don pour don; 
    Entre les hommes, 
    Rire pour rire; 
    Mais fausseté pour fourbe. 
     
    43. De son ami 
    On doit être l'ami 
    De lui et de ses amis; 
    Mais de son ennemi 
    Nul ne devrait 
    Être l'ami de l'ami 
     
    44. Vois-tu, su tu as un ami 
    En qui tu aies bien confiance 
    Et veux qu'il te fasse du bien, 
    Tu dois avec lui mêler ton âme 
    Et échanger des cadeaux, 
    Aller le trouver souvent. 
     
    45. Si tu en as un autre 
    En qui tu n'as pas confiance 
    Et veux pourtant qu'il te fasse du bien, 
    Tu dois lui dire de belles paroles, 
    Mais tiens-le pour faux 
    Et rends-lui fausseté pour fourbe.
     
    46. Ceci encore pour celui 
    En qui tu n'as pas confiance 
    Et dont tu suspectes l'humeur : 
    Tu dois rire avec lui 
    Et travestir ta pensée 
    Tel don, telles récompense. 
     
    47. Jeune, je fus jadis. 
    Je cheminai solitaire; 
    Alors, je perdis ma route; 
    Riche je me sentis 
    Quand je rencontrai autrui : 
    L'homme est la joie de l'homme. 
     
    48. Homme généreux, audacieux 
    Sont ceux qui vivent le mieux 
    Rarement le chagrin les accable; 
    Mais le poltron 
    Craint n'importe quoi; 
    Rechigne assez le chiche sur les dons. 
     
    49. Mes frusques 
    Je donnai sur la plaine 
    A deux hommes de bois 
    Virils ils se trouvèrent 
    Vêtus de ces habits. 
    Honteux est l'homme nu. 
     
    50. Dépérit le jeune pin 
    Qui se dresse en lieu sans abri: 
    Ne l'abritent écorce ni aiguilles; 
    Ainsi l'homme 
    Que n'aime personne : 
    Pourquoi vivrait-il longtemps? 
     
    51. Plus chaude que le feu 
    Brûle entre mauvais amis 
    La paix, pendant cinq jours; 
    Mais alors elle s'éteint 
    Quand le sixième survient 
    Et l'amitié est au plus mal. 
     
    52. Grands cadeaux uniquement 
    Ne faut pas faire aux gens 
    Souvent petits présents attirent louange;
    Avec un demi-pain 
    Et une coupe presque vide 
    Je me suis fait un camarade. 
     
    53. A petite mer, 
    petits rivages, 
    Petits sont les esprits des hommes; 
    Car tous hommes 
    Ne sont pas sages également; 
    Tout âge n'est qu'a demi accompli. 
     
    54. Modérément sage 
    Devrait être chacun 
    Jamais trop sage; 
    A ceux-là 
    La vie est la plus belle 
    Qui bien des choses savent. 
     
    55. Modérément sage 
    Devrait être chacun, 
    Jamais trop sage; 
    Car l'esprit du sage 
    Rarement est joyeux 
    Si la sagesse est suprême. 
     
    56. Modérément sage 
    Devrait être chacun 
    Jamais trop sage; 
    Celui qui ne sait pas d'avance 
    Son destin 
    A le coeur le plus libre de soin. 
     
    57. Brandon, de brandon 
    Brûle, jusqu'à consomption 
    Flamme s'allume à flamme; 
    L'homme, de l'homme 
    Sera par paroles connu, 
    Mais le sot se fait connaître à sa sottise. 
     
    58. Doit se lever matin 
    Celui qui d'autrui veut 
    Ravir les biens ou la vie; 
    Rarement loup gisant 
    Ne trouve gigot, 
    Ni homme dormant, la victoire. 
     
    59. Doit se lever le matin 
    Celui qui a peu de main-d'oeuvre 
    Et veut vaquer à ses affaires; 
    Sur bien des choses retarde 
    Celui qui dort le matin. 
    Résolution est route vers richesse. 
     
    60. Sèches billes de bois 
    Et écorces à chaume, 
    De cela, l'homme sait la juste mesure 
    Ainsi que du bois 
    Qui pourra suffire 
    Pour année ou saison. 
     
    61. Lavé et restauré, 
    Que l'homme aille au thing 
    Même s'il n'est pas bien habillé: 
    De ses chausses et de ses braies 
    Que nul n'ait honte, 
    Et de son cheval non plus 
    Même s'il n'en a pas de bon. 
     
    62. Il laisse pendre le col, humilié, 
    Quand il arrive à la mer, 
    L'aigle, à l'antique mer; 
    Ainsi l'homme 
    Qui vient parmi la foule 
    Et a peu d'intercesseurs. 
     
    63. Doit questionner et répondre 
    A chaque sage 
    Celui qui veut être appelé avisé; 
    Qu'un seul soit au courant! 
    Mais qu'il y en ait pas un second. 
    S'ils son trois, tout le monde le sait. 
     
    64. De sa puissance 
    Il faudrait que tout sage 
    Use avec modération : 
    Alors il découvre 
    Quand il vient parmi les braves 
    Que nul ne peut à lui seul de tous triompher. 
     
    65.....strophe incomplète..... 
    Des paroles 
    Que l'on dit aux autres,
    Souvent ont reçoit paiement. 
     
    66. Trop tôt 
    J'arrivai en maint lieu, 
    Mais trop tard en quelques-uns; 
    La bière était bue, 
    Ou bien elle n'était pas brassée, 
    Le fâcheux trouve rarement la jointure. 
     
    67. Ici et là, 
    On m'aurait invité 
    Si je n'avais pas eu besoin de manger 
    Ou si, chez l'ami fidèle, 
    Deux jambons avaient pendu 
    A la place de celui que j'avais mangé. 
     
    68. C'est le feu qui est le meilleur 
    Pour les fils des hommes 
    Ainsi que le spectacle du soleil, 
    La santé 
    Si on peut la garder, 
    Et de vivre sans opprobre. 
     
    69. L'on n'est pas malheureux tout à fait 
    Même si l'on est en mauvaise santé : 
    D'aucun sont heureux par leurs fils. 
    D'aucun par leurs parents, 
    D'aucun par biens en suffisance, 
    D'aucun par bonnes actions. 
     
    70. Mieux vaut être en vie 
    Que d'être sans vie, 
    Au vivant, la vache. 
    Je vis le feu flamboyer 
    Chez le riche, 
    Mais il gisait, dehors, mort, devant la porte. 
     
    71. Un boiteux monte à cheval, 
    Un manchot garde les troupeaux, 
    Un sourd fait assaut d'armes et rend service, 
    Mieux vaut être aveugle 
    Que brûlé 
    Un mort n'est utile à personne. 
     
    72. Mieux vaut avoir un fils 
    Même s'il naît trop tard,
    Après la mort de son père; 
    Rarement pierre commémorative 
    Ne se dresse au bord du chemin 
    Si le parent ne l'érige au parent. 
     
    73. Deux hommes, l'un peut tuer l'autre, 
    Ta langue peut te coûter la tête, 
    Sous chaque manteau 
    Je soupçonne une main sur la garde d'une épée. 
     
    74. Se réjouit de la nuit, 
    Qui a viatique solide, 
    Étroites sont les places dans un bateau; 
    Changeante est la nuit d'automne; 
    Le temps varie souvent 
    En cinq jours, 
    Davantage encore en un mois. 
     
    75. Pont ne sait 
    Celui qui rien ne sait 
    Que prospérité en égare beaucoup; 
    Un homme est riche, 
    Un autre ne l'est pas, 
    Qu'on n'ajoute pas à son malheur. 
     
    76. Meurent les biens, 
    Meurent les parents, 
    Et toi, tu mourras de même; 
    Mais la réputation 
    Ne meurt jamais, 
    Celle que bonne l'on s'est acquise. 
     
    77. Meurent les biens, 
    Meurent les parents 
    Et toi, tu mourras de même; 
    Mais je sais une chose 
    Qui jamais ne meurt : 
    Le jugement porté sur chaque mort. 
     
    78. Parcs à moutons remplis 
    Je vis chez les fils de Fitjung 
    Maintenant ils portent le bâton de mendiant; 
    Ainsi de la richesse 
    Comme d'un clin d'oeil : 
    C'est la plus instable des amies. 
     
    79. Le sot 
    S'il vient à s'attribuer 
    Fortune ou faveur de femme, 
    Son orgueil s'accroit en lui 
    Mais sa sagacité, jamais; 
    Il progresse copieusement dans sa propre vanité. 
     
    80. Preuve est faite : 
    Quand tu interroges sur les runes 
    Venues des Dieux, 
    Celles que firent les Dieux suprêmes 
    Et que colora le grand maître du monde 
    Le plus sûr est de se taire. 
     
    81. C'est le soir qu'il faut louer le jour 
    La femme, quand elle est brûlée 
    L'épée, quand on l'a éprouvée, 
    La vierge, quand elle est mariée, 
    La glace, quand on la traversée, 
    La bière, quand elle est bue. 
     
    82. C'est dans le vent qu'il faut abattre l'arbre 
    Par bonne brise qu'il faut ramer en mer, 
    Dans l'obscurité qu'il faut bavarder avec la vierge : 
    Nombreux sont les yeux du jour; 
    Un bateau est fait pour cingler, 
    Une targe, pour protéger, 
    Une épée, pour les coups, 
    Et une vierge, pour les baisers. 
     
    83. Près du feu, il faut boire la bière, 
    Et sur la glace, glisser, 
    Acheter la jument maigre, 
    L'épée, rouillée, 
    Engraisser le cheval à la maison 
    Et le chien à la niche. 
     
    84. Parole de fille 
    Nul ne devrait croire 
    Ni ce que dit femme mariée 
    Car sur une roue tourbillonnante 
    Le coeur a été façonné, 
    Inconstance a été placée dans leur sein. 
     
    85. Arc fragile, 
    Flamme flambant, Loup béant, 
    Corbeau croassant, 
    Porc grognant, 
    Arbre sans racines, 
    Vague montante, 
    Bouilloire bouillante, 
     
    86. Trait volant, 
    Vague retombante, 
    Glace d'une nuit, 
    Serpent lové, 
    Verbiage de mariée au lit, 
    Ou épée brisée, 
    Jeu d'ours, 
    Ou fils de roi, 
     
    87. Veau malade, 
    Esclave volontaire, 
    Belles paroles de sorcière, 
    Cadavre récemment tombé, 
     
    88. Champ tôt ensemencé : 
    Que nul homme ne leur fasse confiance, 
    Non lus que trop tôt à son fils. 
    - Le temps décide du champ, 
    Et l'esprit, du fils; 
    Chacun d'eux est dangereux. 
     
    89. Le meurtrier de son frère, 
    Si on le rencontre sur la route, 
    La maison mal brûlée, 
    Le cheval véloce 
    - Un étalon est inutile 
    S'il se casse une patte - , 
    Qu'on ne soit pas assuré 
    Au point de leur faire confiance à tous. 
     
    90. Avoir la paix avec une femme 
    Dont fausseté hante le coeur, 
    C'est comme mener sur la glace glissante 
    Un étalon non ferré, 
    Sauvage, de deux hivers 
    Et mal dressé, 
    Ou comme croiser dans la tempête 
    Sur un bateau sans barre, 
    Ou comme, pour un boiteux,
    Poursuivre un renne sur les pentes, au dégel. 
     
    91. Ouvertement à présent je parle 
    - Car je sais l'un et l'autre - 
    L'humeur de l'homme est changeante envers la femme : 
    Nous faisons les plus beaux discours 
    Quand nos pensées sont les plus trompeuses. 
    C'est là leurrer le sens des sages. 
     
    92. Doit bellement parler 
    Et offrir de l'argent 
    Qui veut obtenir faveur de femme, 
    Vanter le corps 
    De la jeune fille : 
    Qui aime est aimé en retour. 
     
    93. Blâmer l'amour 
    D'autrui, 
    Nul ne le devrait jamais : 
    Souvent s'émeut le sage 
    Là où l'idiot demeure indifférent 
    Aux couleurs désirables d'un joli visage. 
     
    94. En rien ne faut blâmer 
    Autrui 
    De ce qui à beaucoup arrive. 
    Sage devient sot : 
    Voilà ce que fait aux fils des hommes 
    L'ardent désir. 
     
    95. L'esprit seul sait 
    Ce qui gît près du coeur, 
    Il est seul avec son amour : 
    Il n'est pire peine 
    Pour tout homme sage 
    Que de n'être pas satisfait de soi. 
     
    96. J'ai éprouvé cela 
    Quand j'étais dans les roseaux 
    Attendant le délice de mon coeur; 
    Chair et coeur 
    M'était la sage vierge, 
    Quoique je ne l'eusse pas encore. 
     
    97. La vierge de Billingr 
    Je trouvais sur le lit;
    Claire comme soleil, dormant: 
    Délices de Jarl, 
    Il me sembla qu'il n'en existait pas 
    Auprès de vivre avec ce corps. 
     
    98. Mais vers le soir, 
    Tu viendras, Odin 
    Si tu veux réclamer cette femme; 
    Bien mauvais sort 
    Si ne sommes d'accord 
    Sur ce que nous faisons. 
     
    99. Je renonçai 
    - Il semblait qu'elle m'aimât - 
    A mon dur désir 
    Car je croyais 
    Que j'aurais d'elle 
    Tout plaisir et liesse. 
     
    100. Là-dessus, je revins, 
    Mais les intrépides 
    Guerriers étaient tous éveillés, 
    Avec torche enflammées 
    Et flambeaux hissés, 
    Ainsi étais-je en périlleuse passe. 
     
    101. Mais vers le petit matin, 
    Quand je revins encore, 
    Les gens de la maison étaient endormis; 
    Je ne trouvai qu'une chienne 
    Appartenant à l'excellente femme, 
    Au lit attaché. 
     
    102. Mainte excellente vierge 
    -Si l'on y regarde de près- 
    Et traîtresse envers les hommes. 
    C'est ce que j'éprouvai 
    Quand j'essayai d'attirer 
    La rusée aux jeux d'amour. 
    De toute dérision 
    Me couvrit l'adroite femme, 
    Et d'elle, je n'obtins rien. 
     
    103. Chez soi, qu'on soit content 
    Et joyeux envers l'hôte, 
    Il faut être sage pour soi-même,
    Avoir bonne mémoire, être communicatif, 
    Si l'on veut être savant en maintes choses. 
    Il faut souvent parler de bonnes choses : 
    Idiot énorme s'appelle 
    Celui qui ne sait guère parler : 
    C'est le propre des sots. 
     
    104. Au vieux géant je rendis visite : 
    A présent, me voici revenu; 
    Là, je ne pus guère garder le silence, 
    Maints discours 
    Je fis en ma faveur 
    Dans la salle de Suttung. 
     
    105. Gunnlöd me donna à boire, 
    Assise sur un siège d'or, 
    Un trait du précieux hydromel; 
    Sordide récompense 
    Je lui laissai 
    Pour son coeur sincère, 
    Pour sa profonde affection. 
     
    106. Par la bouche de Rati 
    Je me fis frayer un passage 
    Et ronger le rocher; 
    Par-dessus et par-dessous 
    Passaient les routes des géants 
    Ainsi risquai-je ma tête. 
     
    107. De la belle bien acquise 
    J'ai bien joui 
    Peu de choses manquent au sage, 
    Car Odrerir 
    Est maintenant remonté 
    Jusqu'à la demeure des dieux. 
     
    108. Je doute 
    Que j'eusse pu sortir 
    De l'enclos des géants 
    Si je n'avais joui de l'amour de Gunnlöd, 
    L'excellente femme 
    Dans les bras de qui j'ai couché. 
     
    109. Le lendemain des noces 
    Les Thurses du givre allèrent 
    Consulter le Très-Haut;
    De Bölverk ils s'enquirent, 
    Savoir s'il était revenu parmi les dieux 
    Ou si Suttung l'avait immolé 
     
    110. Je crois bien qu'Odin 
    Avait prêté serment sur l'anneau sacré, 
    Qui peut à sa foi se fier? 
    Au partir du banquet 
    Il a laissé Suttung frustré 
    Et Gunnlöd en larmes. 
     
    111. Il est temps d'incanter 
    Sur le siège du thulr 
    Au bord du puits d'Urd 
    Je vis et je me tus, 
    Je vis et je méditai, 
    J'écoutai les propos des hommes; 
    Des runes, j'entendis traiter, 
    Point n'en celèrent les pouvoirs 
    A la halle du Très-Haut, 
    Dans la halle du Très-Haut 
    J'entendis ainsi parler : 
     
    112. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    - Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    De nuit, ne te lève pas, 
    A moins que tu ne sois en quête 
    Ou que tu cherches les cabinets. 
     
    113. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Entre les bras d'une magicienne 
    Il ne faut pas que tu dormes, 
    En sorte qu'elle puisse rendre roides tes jointures. 
     
    114. Elle fait si bien 
    Que tu ne te soucies plus 
    De thing ni de propos de roi; 
    De nourriture, tu ne veux plus 
    Ni de gaieté de personne, 
    Tu va plein de chagrin dormir. 
     
    115. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    La femme d'un autre, 
    Ne séduis jamais 
    Pour en faire ta maîtresse. 
     
    116. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Si l'envie te prend d'aller 
    Dans la montagne ou par le fjord, 
    Fais un bon repas. 
     
    117. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    A un méchant 
    Ne laisse jamais 
    Connaître tes ennuis, 
    Car d'un méchant 
    Tu ne recevras jamais 
    Paiement de ta bonne intention. 
     
    118. J'ai vu des paroles 
    De méchante femme 
    Mordre cruellement un homme : 
    Une langue menteuse 
    Lui coûta la vie 
    Encore qu'il ne fît point coupable. 
     
    119. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Vois-tu, si tu as un ami 
    En qui tu aies bien confiance, 
    Va le trouver souvent 
    Car les taillis croissent 
    Ainsi que l'herbe haute 
    Sur le chemin que nul ne foule 
     
    120. Nous te conseillons, Loddfafnir,
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Un excellent homme, 
    Attache-le-toi par des propos joyeux 
    Et apprends la clémence, tant que tu vis. 
     
    121. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Avec ton ami 
    Ne soit jamais 
    Le premier à rompre; 
    Le chagrin dévore le coeur 
    Si tu n'as personne 
    A qui ouvrir ton âme. 
     
    122. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Te disputer 
    Jamais ne faut 
    Avec un singe malavisé 
     
    123. Car d'un méchant homme 
    Jamais tu n'obtiendras 
    Récompense pour tes bonnes actions, 
    Mais un excellent homme 
    Put bien te rendre 
    Populaire et prisé par autrui. 
     
    124. Fraternité d'arme il y a 
    Quand on dit A un seul tout ce que l'on pense; 
    Tout est mieux 
    Que d'être de coeur malhonnête; 
    Qui approuve toujours, ce n'est pas un ami. 
     
    125. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Echanger trois mots d'insulte 
    Avec un plus mauvais que toi, tu ne le dois pas; 
    C'est souvent le meilleur qui cède
    Quand le pire cherche noise. 
     
    126. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Cordonnier ne sois, 
    Ni fabricant de manche, 
    Si ce n'est pour ton propre usage. 
    Que la chaussure soit mal faite 
    Ou que le manche soit mauvais, 
    On te voudras du mal. 
     
    127. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Où que tu sache le malheur, 
    Dis-toi qu'il est pour toi, 
    Et ne laisse pas la paix à ton ennemi. 
     
    128. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Content du mal, 
    Ne le soit jamais 
    Mais réjouis-toi du bien. 
     
    129. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Regarder en l'air 
    Tu ne le dois pas dans la bataille 
    - Pareils à des porcs 
    Seront les fils des hommes - , 
    De peur que ton esprit ne soit ensorcelé. 
     
    130. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Si tu veux inviter une excellente femme 
    A de joyeux entretiens. 
    Et en retirer liesse, Il faut faire belles promesses 
    Et ferme les tenir; 
    Nul ne se lasse de ce qui est bon. 
     
    131. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Prudent, je te prie d'être, 
    Mais point trop prudent; 
    Sois surtout prudent avec la bière 
    Et avec la femme d'autrui 
    Et avec cela, en troisième lieu 
    Que les voleurs ne te dupent pas. 
     
    132. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Pour objet de moquerie ou de rire 
    Ne prends jamais 
    Hôte ou voyageur. 
     
    133. Souvent ne savent pas bien 
    Ceux qui restent assis à l'intérieur 
    Quelles sortes de gens sont les arrivants; 
    Il n'est homme si excellent 
    Qu'il ne soit sans défaut, 
    Ni si mauvais qu'à rien ne serve. 
     
    134. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Du sublime thulr 
    Ne ris jamais 
    Souvent est excellent ce que disent les anciens. 
    Paroles claires proviennent 
    Souvent des peaux ratatinées, 
    Celles qui pendent parmi les cuirs, 
    Pendillent parmi les parchemins 
    Et se balancent parmi les misérables. 
     
    135. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends,
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Ne raille pas ton hôte 
    Ni ne le mets à la porte, 
    Sois secourable au pauvre peuple. 
     
    136. Lourd, le loquet 
    Qu'il faut lever 
    Pour ouvrir à tout le monde; 
    Baille une bague à cet homme 
    Ou bien il fera venir 
    Tous les maux dans tes membres. 
     
    137. Nous te conseillons, Loddfafnir, 
    Et toi, puisses-tu apprendre de ces conseils. 
    -Tu en jouiras, si tu les apprends, 
    Ils te seront bénéfiques, si tu les suis. 
    Contre le beuveries de bière 
    Choisis la force de la terre 
    Car la terre guérit l'excès de bière, 
    Le feu, les maladies (contagieuses) 
    Le chêne, les constipations 
    L'épi, la sorcellerie 
    Le sureau, les querelles domestiques 
    - Contre frénésie, faut invoquer la lune - 
    L'alun, les morsures (d'insectes) 
    Et les runes, le malheur, 
    Le sol guérit les vomissements. 
     
    138. Je sais que je pendis 
    A l'arbre battu des vents 
    Neuf nuits pleines, 
    Navré d'une lance 
    Et donné à Odin 
    Moi-même à moi-même donné, 
    - A cet arbre 
    Dont nul ne sait 
    D'où proviennent les racines. 
     
    139. Pont de pain ne me remirent 
    Ni de coupes; 
    Je scrutai en dessous, 
    Je ramassai les runes, 
    Hurlant, les ramassai, De là, retombai. 
     
    140. Neuf chants suprêmes 
    J'appris du fils renommé
    De Bölthorn, père de Bestla, 
    Et je pus boire 
    Du précieux hydromel 
    Puisé dans Odredir. 
     
    141. Alors je me mis à germer 
    Et à savoir, 
    A croître et à prospérer, 
    - De parole à parole 
    La parole me menait, 
    D'acte en acte 
    L'acte me mentait. 
     
    142. Tu découvriras les runes 
    Et les tables interprétées, 
    Très importantes tables, 
    Très puissantes tables 
    Que colora le sage suprême 
    Et que firent les puissances 
    Et que grava le Crieur des Dieux. 
     
    143. Odin parmi les Ases les grava 
    Pour les Alfes, ce fut Dainn 
    Dvalinn, pour les nains, 
    Asvid pour les géants, 
    J'en gravai moi-même quelques-unes. 
     
    144. Sais-tu comment il faut tailler? 
    Sais-tu comment il faut interpréter? 
    Sais-tu comment il faut peindre? 
    Sais-tu comment il faut éprouver? 
    Sais-tu comment il faut demander 
    Sais-tu comment il faut sacrifier? 
    Sais-tu comment il faut offrir? 
    Sais-tu comment il faut immoler? 
     
    145. Mieux vaut ne pas demander 
    Que trop sacrifier. 
    Qu'il y' avait toujours récompense pour don. 
    Mieux vaut ne pas offrir 
    Que trop immoler. 
    Voilà ce que Odin grava 
    Avant les origines de l'humanité; 
    Là, il ressuscita 
    Quand il revient.
     
    146. Ces charmes je sais 
    Que ne sait femme de prince 
    Ni fils d'homme 
    L'un s'appelle Aide 
    Et il t'aidera 
    Dans les procès et les chagrins 
    Et les dures détresses. 
     
    147. J'en sais un second 
    Dont ont besoin les fils des hommes, 
    Ceux qui veulent être mires. 
     
    148. J'en sais un troisième : 
    Si je suis en pressant besoin 
    De mettre à mal mes ennemis, 
    J'émousse le fil des épées 
    De mes adversaires. 
    Ne mordent plus leurs armes ni leurs engins. 
     
    149. J'en sais un quatrième : 
    Si les guerriers me mettent 
    Liens à jambes et bras, 
    J'incante de telle sorte 
    Que je vais où je veux, 
    Fers me tombent des pieds 
    Et lien des bras. 
     
    150. J'en sais un cinquième : 
    Si, par vilenie, l'on m'envoie 
    Un tait volant parmi le peuple, 
    Il ne va pas si impétueusement 
    Que je ne puisse l'arrêter 
    Si je viens à le voir. 
     
    151 J'en sais un sixième : 
    Un homme me navre-t-il 
    D'une racine de bois pleins de sève 
    Cet homme 
    Qui me voue au malheur, 
    Les maux le consument plutôt que moi. 
     
    152. J'en sais un septième : 
    Si je vois la haute flamme 
    Ardre la salle parmi les compagnons de banc, 
    Elle ne brûle pas si vaste 
    Que je ne puisse me préserver.
    Tel est le charme que je chante. 
     
    153. J'en sais un huitième 
    Qui à tous est 
    Profitable à prendre : 
    Où que s'enfle la haine 
    Parmi les fils du chef, 
    Je peux l'apaiser promptement. 
     
    154. J'en sais un neuvième : 
    Si le besoin me presse 
    De sauver mon navire en mer dérivant, 
    Je calme le vent 
    Sur la vague de la tempête 
    Et mets toute la mer en repos. 
     
    155. J'en sais un dixième : 
    Si je vois des sorcières 
    Chevaucher par les airs, 
    Je fais de telle sorte 
    Qu'elles s'égarent 
    Sans retrouver leu propre peau 
    Sans retrouver leur propre esprit. 
     
    156. J'en sais un onzième : 
    Si je dois à la bataille 
    Mener mes amis de toujours 
    Je hurle contre ma targe 
    Et eux, pleins de force, s'élancent 
    Sains et saufs à l'assaut, 
    Sains et saufs en repartent; 
    Sains et saufs en reviennent. 
     
    157. J'en sais un douzième : 
    Si je vois sur la potence 
    Osciller un cadavre de pendu, 
    Je sais graver de telle sorte 
    Et peindre les runes 
    Que cet homme revient à soi 
    Et m'adresse la parole. 
     
    158. J'en sais un treizième : 
    Si je dois sur un jeune homme 
    Verser l'eau lustrale, 
    Il ne périra pas, 
    Irait-il au combat
    Les épées ne le réduiront pas. 
     
    159. J'en sais un quatorzième : 
    S'il faut que devant les hommes 
    J'énumère les Dieux 
    Des Ases et des Alfes 
    Je sais toute chose; 
    Peu de sages le savent. 
     
    160. J'en sais un quinzième : 
    Que le nain Thjodrorir 
    Chanta devant les portes de Delling : 
    Par ses charmes donna la force aux Ases, 
    Aux Alfes, le renom 
    La clairvoyance à Odin. 
     
    161. J'en sais un seizième : 
    Si de la femme sage 
    Je veux obtenir amour et liesse, 
    Je tourne la tête 
    De la femme aux bras blancs 
    Et bouleverse tout son coeur. 
     
    162 J'en sais un dix-septième : 
    .. .... .... .... ... ... 
    Qu'elle aura peine à m'éviter 
    La juvénile vierge. 
     
    163. Ces charmes 
    Loddfafnir, 
    Puissent-ils te servir longtemps; 
    Qu'ils te soient bénéfiques, si tu les suis; 
    Opportuns, si tu les apprends, 
    Utiles, si tu les acceptes. 
     
    164. J'en sais un dix-huitième 
    Que jamais n'ai enseigné 
    A vierge ni femme d'homme 
    - Il vaut mieux 
    Qu'un seul le sache 
    Fin des charmes s'ensuit - 
    Sinon à celle-là seule 
    Qui me prend dans ses bras 
    Ainsi qu'à ma soeur. 
     
    165. A présent les dits du Très-Haut sont chantés dans la salle du Très-Haut, 
    Très utiles aux fils des hommes, 
    Inutiles aux fils des géants; 
    Salut à celui qui chanta! 
    Salut à celui qui sut! 
    Qu'en jouisse celui qui les apprit! 
    Salut à ceux qui écoutèrent!
     
    Continuer son chemin avec la Völuspa
     
  • Hymiskviða

     

    La Hymiskvida ou Hymiskviða (« Chant de Hymir » en vieux norrois) est l'un des poème de l’Edda poétique.

    Composé de 39 strophes en fornyrdislag, il rapporte l'expédition des dieux Thor et Týr chez le géant Hymir.
    Il a été conservé dans deux manuscrits : le Codex Regius et l'AM 748 I 4to.

    Les dieux réclament un festin au géant Ægir (1-2). Ægir, contrarié, demande à Thor de lui fournir une cuve dans laquelle il pourra brasser de la bière pour tous (3). Un tel récipient reste introuvable jusqu'à ce que Týr indique à Thor qu'il pourra trouver un chaudron de la taille requise chez son père Hymir (4-5), à condition d'employer la ruse (6).
    Thor et Týr se mettent en route. Après avoir laissé les boucs de Thor chez Egil (7), ils arrivent chez Hymir où ils sont accueillis par la grand-mère et la mère de Týr (8). Cette dernière leurs conseille de se dissimuler derrière des chaudrons, par crainte de la colère de son mari (9). Lorsque Hymir rentre (10), elle lui annonce l'arrivée de Thor et de Týr (11-12). Le regard du géant suffit à briser le pilier derrière lequel ils sont dissimulés et à faire tomber les chaudrons (13).
    C'est avec beaucoup de déplaisir que Hymir reçoit Thor (14). Trois bœufs sont cuits pour le dîner (15). Thor en mange deux à lui seul (16). Hymir et Thor conviennent d'aller pêcher le lendemain (17). Après que Thor a tué un bœuf pour se servir de sa tête comme d'un appât (18-19), ils prennent la mer. Thor demande à aller plus au large, mais Hymir refuse (20). Le géant attrape deux baleines (21), tandis que le serpent de Midgard mord à la ligne de Thor (22). Le dieu le tire à bord du bateau et le frappe à la tête avec Mjöllnir (23). Le serpent coule (24). Mécontent, Hymir prend le chemin du retour (25). Hymir doute que Thor puisse tirer le bateau sur le rivage (26), mais le dieu parvient à le ramener jusqu'à la terre ferme (27). Mettant toujours en doute la force de Thor, il le met au défi de briser une coupe (28). Thor la jette sur un pilier en pierre qui se brise, mais la coupe reste intacte(29). La femme de Hymir lui conseille alors de la jeter sur le crâne du géant (30). Cette fois, la coupe se casse (31).
    Hymir offre alors la cuve que les deux dieux étaient venus chercher (32), mais Týr est incapable de la déplacer (33). Thor parvient en revanche à la soulever (34). Mais ils sont bientôt poursuivis par Hymir et une troupe de géants (35). Thor les abat tous (36). L'un de ses boucs se met bientôt à boiter, par la faute de Loki (37). Thor reçoit du géant deux enfants en compensation (38).
    Le chaudron est enfin rapporté. Il permettra aux dieux de boire la bière chez Ægir chaque automne (39).

  • Hyndluljóð

     

    Hyndluljóð ou Le chant d'Hyndla est un poème en vieux norrois souvent considéré comme faisant partie de l' Edda poétique. Il est préservé dans son intégralité uniquement dans Flateyjarbók, mais quelques-unes de ses stances figurent aussi dans l'Edda en prose où on dit qu'ils viennent de Völuspá skamma hin.

    Dans ce poème, la déesse Freyja rencontre la völva Hyndla et elles chevauchent ensembles à travers le Valhalla. Freyja monte son sanglier Hildisvíni, et Hyndla un loup. Leur mission est de découvrir l'ascendance d'Óttarr afin qu'il puisse toucher son héritage, et le poème se compose essentiellement des citations de Hyndla énumérant un certain nombre de noms des ancêtres d'Óttarr. Ce poème pourrait être une œuvre du XIIe siècle..

  • Lokasenna

     

    Lokasenna (« la querelle de Loki », en vieux norrois) est un poème de l'Edda poétique. Le poème présente une querelle en vers entre Loki et les dieux de la mythologie nordique. Loki accuse, entre autres, les dieux de manquer de morale du point de vue de leurs mœurs sexuelles, de pratiquer le Seiðr et d'être biaisés. Ces allégations qui ne sont pas très sérieuses ont tout de même abouti au Ragnarök, dans le poème Völuspá. Toutefois, Lokasenna ne mentionne pas directement l'enchaînement de Loki à la suite de l'assassinat de Baldr ; ce qui est explicitement écrit dans l'Edda en prose de Snorri Sturluson.

    Le contexte du poème est un festin donné par le dieu de la mer Ægir. Thor n'assista pas au festin, mais son épouse Sif était présente à sa place tout comme pour Bragi et son épouse Idunn. Týr qui n'avait déjà qu'une seule main depuis l'épisode de l'enchaînement du fils de Loki, le loup Fenrir, était présent. Njörd et son épouse Skadi ainsi que Freyr et Freyja assistaient au festin tout comme Vidar, le fils d'Odin. De plus, plusieurs autres Ases et Vanes assistaient au festin en plus de nombreux elfes. Les servant d'Ægir, Fimafeng et Eldir, s'occupèrent de la tâche de souhaiter la bienvenue aux invités. Loki était jaloux de la gloire portée sur ces deux servants et tua Fimafeng. Les dieux se fâchèrent et sortirent Loki du manoir, puis, ils retournèrent à leur ripaille. À son retour, Loki rencontra Eldir. Il le menaça et le força à lui révéler ce dont parlaient les dieux. Eldir lui répondit qu'ils parlaient de leur force en armes et qu'il n'était pas le bienvenu. Ensuite, Loki entra dans le manoir après avoir proféré des insultes à l'endroit d'Eldir. Le silence se fit. Puis, Loki réclama que les règles d'hospitalité soient respectées. Il demanda un siège et une bière. Bragi lui répondit qu'il n'était pas le bienvenu. Loki demanda l'accomplissement d'un ancien serment prêté à Odin à ce qu'ils devaient boire ensemble. Odin demanda à son fils, Vidar, de faire une place pour Loki. Vidar se leva et servit à boire à Loki. Avant de boire, ce dernier porta un toast aux dieux, mais, ostensiblement, il omit Bragi. Ce dernier lui offrit un cheval, une bague et une épée pour l'amadouer. Cependant, Loki chercha la bagarre et insulta Bragi en le questionnant sur son courage. Bragi eut pour réponse qu'il serait impoli de se battre dans le manoir d'un hôte, mais, qu'une fois à Ásgard, les choses seraient différentes. Idunn, l'épouse de Bragi, le retint et Loki l'insulta sur sa perte de sexualité. Gefjon fut la suivante à parler et Loki redirigea sa colère contre elle. Ensuite, Odin essaya de prendre la situation sous son contrôle tout comme le firent tour à tour Freyja, Njörd, Týr, Freyr et Byggvir. L'échange entre Odin et Loki fut particulièrement virulent. En fait, Thor s'en mêla et ne put être apaisé ou retenu. Alternant avec les insultes de Loki, il répéta à quatre reprises qu'il utiliserait son marteau pour le frapper à la tête s'il continuait. Avant de partir, Loki répondit qu'il quittait le manoir seulement en raison de Thor, car il était le seul dieu dont il avait peur.

    Finalement, il y a une courte partie en prose qui décrit l'histoire de Loki enchaîné. Celui-ci est poursuivi par les dieux. Il est finalement attrapé après une tentative échouée de se travestir en saumon. Son fils Nari est tué tandis que Narfi, son autre fils, se change en loup. Les entrailles de Vali furent utilisées afin d'enchaîner Loki à trois pierres au-dessus desquelles Skadi attacha un serpent afin qu'il laisse tomber son venin sur Loki. Sigyn, l'épouse de Loki, demeura à ses côtés avec un bol afin de recueillir le venin. Cependant, à chaque fois qu'elle devait vider le bol, le venin tombait sur Loki qui se tordait à l'agonie. Il est dit que ses frémissements causaient des tremblements de terre.

  • Rígsthula, Rígsþula

     

    La Rígsþula ou Rígsthula (Chant de Rígr en vieil islandais) est un poème de l'Edda poétique, recueil de poèmes de la mythologie nordique. Il présente un dénommé Ríg (ou Rígr), qui n'est autre que le dieu Heimdall, en père de l'humanité. Dans le poème, il passe une nuit dans trois foyers différents et engendre avec chaque femme les trois grandes classes (ou races) d'hommes ; esclaves, paysans libres et nobles, rapportant ainsi ce poème à une division tripartite de la société. Le fond authentique nordique du poème est contesté par des spécialistes qui y voient notamment des influences extérieures, toutefois la notion de Destin, son caractère sacré, et le fait qu'il s'intéressera de manière préférentielle à une dynastie, lignée ou famille particulière n'est pas étrangère aux textes mythologiques et sagas nordiques et constitue même parfois le thème central de l'histoire, ce à quoi tous les héros se soumettent (l'exemple le plus célèbre étant la Völsunga saga).

    Le poème est composé d'une courte introduction en prose et 48 strophes, mais il manque la fin qui ne nous a pas été préservée. Il nous est parvenu incomplet dans la dernière page conservée du Codex Wormianus, après l'Edda de Snorri. Le poème semble ancien et pourrait dater d'avant l'an 1000, mais le seul manuscrit dans lequel il est préservé date d'environ 1350. Toutefois la majorité des spécialistes situent la composition du poème entre le Xe siècle et le XIIIe siècle, d'un auteur sans doute islandais .

    On apprend dans l'introduction en prose que le dieu Heimdall arrive à une maison et dit qu'il s'appelle Rígr. Commencent ensuite les vers. Heimdall pénètre par le portail entrouvert et rejoint un couple, Aïeul et Aïeule, qui lui sert un repas pauvre. Les strophes 5 et 6 sont récurrentes dans ce poème :

    5.

    Rígr kunni þeim

    ráð at segja,

    reis hann upp þaðan,

    réðsk at sofna;

    meir lagðisk hann

    miðrar rekkju,

    en á hlið hvára

    hjón salkynna.

     

    5.

    Rígr avait

    Des conseils à leur donner ;

    Puis il se coucha

    Dans le mitan du lit

    De chaque côté de lui

    Les maîtres de céans

     

    6.

    Þar var hann at þat

    þríar nætr saman,

    gekk hann meir at þat

    miðrar brautar,

    liðu meir at þat

    mánuðr níu.

     

    6.

    Il y resta

    Trois nuits pleines ;

    Il s'en alla alors

    Par le mitan de la route ;

    Passèrent là-dessus

    Neuf mois

     

    Le poème révèle ensuite qu'Aïeule enfante d'un enfant noir de peau, et ils le nomment Thrall (Esclave). Celui-ci grandit et apprend à exercer sa force en effectuant des fardeaux toute la journée. Il rencontre une fille nommée Thír (Serve) avec qui il a une vingtaine d'enfants qui sont tous nommés dans le poème (leurs noms ont chacun des significations péjoratives comme Braillard, Bouseux, Grossier, Puant...etc.). Le poème précise que leur travail consiste à poser des enclos, garder les chèvres...etc. Ainsi « de là provient la race des esclaves » (strophe 13).

    Ensuite Rígr arrive à une halle dont le portail est entrouvert, il passe et voit un couple qui « vaquait à ses affaires » (str. 14) et qui sont nommés Grand-Père et Grand-Mère dans le poème. Après un passage très similaire aux strophes 5 et 6 citées précédemment on apprend que Grand-Mère enfante d'un garçon qu'ils nomment Karl (Homme), aux cheveux roux, « les joues roses, des yeux vifs ». En grandissant il apprend les métiers de paysan et d'artisan. Il se marie ensuite avec une fille nommée Snör (Bru) avec qui il a une vingtaine d'enfants dont les noms sont tous énumérés dans le poème comme précédemment, et qui ont plutôt un rapport avec la vie et les métiers d'artisans respectables comme Brave, Forgeron, Voisin...etc. « De là provient la race des hommes » (str. 25).

    Ensuite Rígr arrive à une salle dont le portail est clos et s'ouvre avec un anneau. Il y pénètre et y trouve un couple nommé dans le poème Père et Mère qui lui préparent un festin. S'ensuit encore un passage très similaire aux strophes 5 et 6 citées. Mère enfante d'un garçon qu'ils nomment Jarl, aux cheveux blond pâle, aux joues brillantes et aux yeux perçants. En grandissant il apprend à fabriquer des armes et à les manier. Ensuite Rígr lui enseigne les runes, et lui révèle qu'il est son père, et lui dit de s'approprier des terres. Jarl conquiert donc des pays par les armes, et il répartit les richesses. Il marie ensuite une fille « aux doigts fins, blanche et sage » appelée Erna (vive, valeureuse) avec qui il a une dizaine de garçons qui sont énumérés ici et qui portent des noms comme Fils, Enfant, Chef, Héritier, etc. Ils apprennent la fabrication et le maniement des armes.

    Le plus jeune, Konr (ou Kon) (Homme), apprend les runes et leur magie, et le langage des oiseaux. Il dépasse en science son père Jarl et hérite de son patrimoine. Certaines des dernières strophes sont mutilées, mais on comprend que Konr chasse l'oiseau en forêt et une corneille lui dit qu'il ferait mieux de « monter des chevaux [...] et d'abattre les guerriers » (str. 47). L'oiseau lui explique que Danr et Danpr possèdent des halles plus riches que la sienne, et qu'ils sont de bons meneurs de guerre.

    Le poème suit une structure particulière qui n'est pas étrangère au système de narration de contes mythologiques et folkloriques en général. Il peut être divisé en trois parties à la narration presque identique. Ríg s'invite pendant trois nuits dans trois foyers différents qui sont de plus en plus riches, et couchant avec la maîtresse de maison, qui enfante un garçon qui sera le père d'une des trois classes sociales. Si le dernier foyer est fermé à clef, c'est pour souligner qu'il est plus riche, ainsi le portail est fermé pour protéger des biens. À la naissance de chaque premier fils, il est répété dans le poème qu'il est aspergé d'eau. Il ne s'agit pas d'un baptême mais d'un rite de lustration présent dans beaucoup de religions, connu en Scandinavie sous le nom d'ausa barn vatni. Ce rite est évoqué à la strophe 158 des Hávamál; Odin se vante de connaitre le treizième charme rendant un jeune homme invincible s'il le récite en lui versant l'eau lustrale.

    Les trois foyers, de plus en plus riches, sont composés d'un couple successivement appelé Aïeul et Aïeule, puis Grand-père et Grand-mère, et enfin Père et Mère. Ceci renvoie au fait que chaque nouvelle génération vit mieux et est plus aisée que la précédente. Jarl, le premier noble, serait descendant à la quatrième génération de pères chacun successivement supérieurs en termes de classe sociale que leur père.

    Heimdall en père de tous les hommes est confirmé dans un autre poème de l'Edda poétique, la Völuspá, dès la première strophe :

    1.

    Hljóðs bið ek allar

    helgar kindir,

    meiri ok minni,

    mögu Heimdallar.

     

    1.

    Silence je demande à tous

    Les êtres sacrés,

    Petits et grands

    Fils de Heimdallr

    ;

    La strophe 43 du Hyndluljóð semble également faire référence à la parenté d'Heimdall avec « toutes les races ».

    Néanmoins, présenter Heimdall en père de l'humanité est curieux car cela ne correspond pas à sa principale caractéristique de gardien du monde des dieux Ásgard, qui sonnera sa corne au commencement de la bataille prophétique du Ragnarök. Des spécialistes se sont donc portés sur la signification de son nom. La première syllabe, heim-, renvoie indiscutablement à « monde ». La fin, -dallr (de Heimdallr), est plus discutée. Pour confirmer les dires de ce poème, certains y ont vu une étymologie pour « soutien » et « support », faisant ainsi de Heimdall le « pilier du monde ».

    Régis Boyer constate que cette fonction de père de l'humanité n'est pas fortuite. En effet, Heimdall est opposé à Loki, ainsi il incarnerait l'anti-désordre, donc l'attribuer la création de l'ordre social s'inscrit dans cette même logique.

    En revanche, Karl Johannson soutient que le lien expliqué entre Heimdall et Ríg dans l'introduction en prose du poème a été le fait du compilateur du Codex Wormianus qui connaissait la première strophe de la Völuspá. Le compilateur aurait interprété à sa manière la véritable identité de Ríg, ou ce serait un rajout servant à inscrire ce poème parmi les autres textes mythologiques du codex.

    La Rígsþula présentant des interactions sociales entre hommes permet de se rendre compte des normes sociales dans les sociétés Vikings ou germaniques, ou de vérifier le réalisme du poème avec ce que l'on sait du fonctionnement de ces sociétés.

    Jarl et Konr sont les seuls qui apprennent de Ríg la connaissance des runes, ce qui reflète bien la société Viking dans laquelle cette connaissance est l'apanage des nobles.

    Que Ríg couche avec la femme de l'hôte alors qu'il est invité peut sembler étrange. En fait, il était d'usage dans les sociétés primitives d'offrir sa femme ou sa fille à un invité qu'on désirait honorer. Il s'agit là d'une coutume germanique traditionnelle, attestée dans les textes et sagas, et notamment les Hávamál y font allusion.

    Georges Dumézil, philologue et comparatiste français, s'est servi entre autres de la Rígsþula pour démontrer sa théorie de la tripartition des sociétés et théologies indo-européennes ; en une fonction (ou classe) sacerdotale, une fonction guerrière, et une fonction productrice (artisans, paysans, fécondité). En effet, chez les Germains la théologie trifonctionnelle est claire, avec Odin, Thor et Freyr représentant respectivement les trois fonctions. Seulement leurs sociétés ne sont pas divisées de telle manière, chose qu'avait d'ailleurs remarqué Jules César dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, notant que les Germains ne possédaient pas une classe sacerdotale comme les Gaulois (Druides). Dans les pays scandinaves, il existait une classe guerrière, et une classe paysanne consciente de sa fonction (avec comme dieux Njord et Freyr), mais toujours pas de classe sacerdotale, présente pourtant chez d'autres indo-européens comme les indo-iraniens et les Celtes. Toutefois la structure de la Rígsþula est tout à fait en accord avec la tripatition fonctionnelle indo-européenne.

    Dans la Rígsþula, Thrall (l'esclave) et sa descendance sont relégués tout en bas de la hiérarchie sociale, de fait ils ne font même pas partie des trois classes principales de la société. En cela ils sont similaires aux sudras (serviteurs) de l'Inde classique, inférieurs aux trois autres classes varna qui représentent les trois fonctions, sacerdotale (brâhmane), guerrières (kshatriya), productrices (vaishya). Il semblerait à priori que la Rígsþula ne présente pas la fonction sacerdotale, mais c'est sans voir le rôle réel du dernier fils du noble-guerrier Jarl ; Konr. En effet, celui-ci n'a de pouvoir qu'en tant que magicien, qui maîtrise mieux les runesque son père grâce aux enseignements de Heimdall. Il comprend aussi les animaux. En cela il possède des attributs clairement magiques, il représente donc la fonction sacerdotale, son père Jarl la fonction guerrière, et Karl la fonction productrice. Thrall, lui, est inférieur, à part.

    Dans la théorie de la tripartition on retrouve aussi un système de couleurs symboliques de chaque fonction, qui est analogue chez plusieurs sociétés indo-européennes, dont les Hittites, les Indo-Iraniens et à Rome. Le blanc est la couleur de la première fonction (prêtres, le sacré), le rouge celle de la seconde (guerriers, force), et le bleu foncé ou vert celui de la troisième (éleveurs, agriculteurs, fécondité). En Inde, où la quatrième classe esclave sudra existe, celle-ci est représentée par la couleur noire. On constate du coup dans la Rígsþula que le bébé Thrall est noir, le bébé Karl est rouge de cheveux et de visage, et le bébé Jarl est blanc brillant. Il existe un décalage de couleurs pour Karl et Jarl qui peut être expliqué en observant le panthéon nordique, où ce décalage de fonction existe aussi. Odin représente la fonction magique principalement, mais aussi la fonction guerrière. Thor, roux, la fonction guerrière, mais aussi la fertilité (dieu du tonnerre ce qui implique une fonction météorologique). De plus, dans le poème la fonction magique n'est pas assurée par une classe d'homme, mais par un seul homme, Konr, donc il reste en dehors du système de couleurs qui se décale un cran en dessous. De fait, selon Georges Dumézil, la Rígsþula présente bien la tripartition indo-européenne classique dans tous ses aspects.

    Régis Boyer est plus nuancé dans son analyse du poème, et prétend que l'organisation sociale tripartite que l'on constate dans ce poème ne reflète pas la réalité, notamment à cause de l'origine celtique du poème. Si les sociétés vikings étaient composées de couches sociales différentes, leur hiérarchisation n'était pas aussi stricte. Le commerce d'esclaves était très pratiqué par les vikings mais rien ne permet d'en faire une classe à part entière. Lorsque le poème a été rédigé au XIIIe siècle, cette pratique de l'esclavage n'existait plus et il se peut que les auteurs aient exagéré la place des esclaves, qui en réalité pouvaient s'affranchir relativement facilement.

    Des influences irlandaises dans la Rígsþula ont été soulignées depuis longtemps par les spécialistes, ce qui n'est pas forcement étonnant compte tenu des liens étroits que cultivaient les vikings avec l'Irlande, et tout particulièrement l'Islande qui était en premier lieu colonisée par des Irlandais bien avant l'arrivée des vikings. Ainsi Rígr a une étymologie irlandaise, il viendrait du mot rí qui veut dire « roi »2. De plus, une comparaison est notée entre ce poème et les légendes irlandaises de Manannan Mac Lir et son fils Mongán mac Fiachnai, laissant à croire que la Rígsþula pourrait en fait être une adaptation scandinave d'un mythe d'Irlande. Des thèmes du poème ont été comparés avec d'autres mythes d'Irlande, comme avec le Tochmarc Étaíne. Konr, lui, rappelle par ses activités le héros irlandais Cúchulainn. De plus, en Irlande ancienne (comme en Scandinavie) on élevait les enfants en leur apprenant exclusivement les métiers de leur classe sociale, ce que l'on retrouve dans ce poème, par contre aucun mythe celtique connu n'explique les causes de l'organisation sociale .

    Georges Dumézil défend une authenticité du poème, et souligne que le « jeune Konr » (Konr ungr en vieux norois) porte le nom scandinave pour « roi » (konungr). En revanche, Heimdall se nomme Rígr, un nom étranger pour « roi », ceci faisant Heimdall ne prétend pas prendre le trône et le laisse au véritable roi de par son nom, Konr ungr. En effet, en Irlande le roi reste écarté des trois fonctions, il n'est que le souverain, c'est le druide qui porte la fonction magique. En revanche, en Scandinavie le roi avait aussi une fonction magique (ce qui se retrouve dans la mythologie avec Odin "roi" des dieux et magicien). Ainsi l'auteur du poème aurait pu délibérément choisir Rígr comme nom pour Heimdall, le plaçant donc à l'écart du système des trois fonctions sociales indo-européennes comme c'est le cas pour les rois (Ríg) irlandais. Georges Dumézil prétend donc que le mythe exposé dans la Rígsþula n'est pas celtique, que l'auteur, au courant de cette différence sociétale des irlandais, aurait choisi Rígr comme nom d'Heimdall pour signaler sa non appartenance au système social classique. De plus la Rígsþula serait plus conforme aux divisions sociales traditionnelles chez d'autres Germains, et pas dans les sociétés celtiques.

    Georges Dumézil note une comparaison entre le dieu céleste Heimdall (et notamment son rôle dans la Rígsþula) et le dieu Ciel hindou Dyu dont l'incarnationhéroïque est Bhīsma. Outre les circonstances comparables de leurs naissances, chacun est un personnage primordial ainsi que le dernier à mourir (l'un au Ragnarök, l'autre dans la bataille de Kurukshetra est le plus ancien héros prenant part au conflit et le dernier à en périr). Dans la Rígsþula, Heimdall sous l'avatar de Rígr visite les générations successives (Aïeul/Aïeule, Grand-père/Grand-mère, Père/Mère, Jarl, Konr), chose que l'immortel Bhīsma fait aussi avec un de ses frères cadets, ses fils et les fils de ceux-ci. D'ailleurs, les derniers fils, héros de la bataille, sont des incarnations des dieux des trois fonctions. De plus, l'antériorité de Heimdall et de Bhīsma justifierait leur règne en roi, mais ces deux divinités y renoncent pour laisser ce privilège à un autre, qu'ils se soucient d'élever en monarque digne de ce nom, et d'éduquer. Ils élèvent donc des enfants qui en vérité ne sont pas leurs propres fils. Si Rígr/Heimdall est réellement le père biologique des trois classes d'hommes, ses enfants restent officiellement ceux du couple d'origine. Rígr adopte en quelque sorte Jarl pour pouvoir l'éduquer, comme s'il n'était pas réellement son fils. Heimdall n'est légalement le père de personne, de plus il n'a pas de femme. Parallèlement, Bhīsma a renoncé formellement à une descendance pour empêcher qu'un fils puisse prétendre au trône. Selon Georges Dumézil, cette analogie de Heimdall en Rígr avec Bhīsma garantit l'antiquité du mythe de la Rígsþula, qui devait exister sous une forme primitive chez le peuple proto-indo-européen, avant la dispersion.

    Le caractère inachevé de la Rígsþula rend difficile la compréhension. On suppose que Konr suit les conseils de la corneille et se bâtit un royaume par les armes. Selon Régis Boyer, la fin serait peut être un ajout qui se renvoie au domaine des chants héroïques. Danpr et Danr sont sans doute les rois qui ont donné leur nom au Danemark. Danpr est mentionnée aussi dans la Hlöðskviða, un poème préservé dans la Saga de Hervor et du roi Heidrekr, et désigne le fleuve Dniepr.

    Finnur Jónsson a identifié Konr à Harald à la belle chevelure, le premier roi de Norvège, qui a effectivement unifié le territoire par la conquête, et s'est ensuite marié avec une princesse danoise (qui dans le poème pourrait être identifiée à la fille de Danpr). Arngrímur Jónsson écrit au XVIe siècle dans son résumé de la disparue Saga des Skjöldungar que le roi Konr épouse Dana, fille de Danpr, et ils ont un fils Danr qui sera le premier roi du Danemark. Ceci suggère donc que Konr, Danr et Danpr ont un lien de parenté et ont créé la dynastie danoise légendaire des Skjöldungs. Dans le chapitre 20 de la Heimskringla, on apprend qu'un roi Danpr est le fils du roi Ríg (qui serait Konr dans le poème, car Ríg devient son titre) et ancêtre du roi suédois Dyggvi, mentionné aussi dans la Saga des Ynglingar. Comme pour beaucoup de mythes, on retrouve ici la légende greffée d'influences et de réminiscences historiques. Il est probable que le mythe d'un dieu créateur de l'organisation sociale ait existé dans le folklore des peuples du nord. Puis au Xe siècle, pendant l'âge des Vikings, le poème se serait normalisé en prenant des influences irlandaises et se serait adapté à l'histoire du roi Harald à la belle chevelure.

  • Skáldskaparmál

     

    Le Skáldskaparmál ou Skaldskaparmal (« dits sur la poésie » en vieux norrois) est la deuxième partie de l'Edda de Snorri Sturluson. Un dialogue entre Ægir et le dieu de la poésie Bragi est le prétexte d’une large présentation de kenningar (périphrases) et de heiti (synonymes). L’explication de ces kenningar permet à Snorri de conter de nombreux récits mythologiques ou héroïques.

    Le dialogue a pour cadre un somptueux banquet donné par les Ases en l'honneur d'Ægir, ici présenté comme un magicien venu de l'île de Hlésey. Lors du repas, Bragi donne à son voisin de table de longues listes de heiti et de kenningar, et lui raconte de nombreuses histoires permettant d’en expliquer l’origine.

    Certaine appartiennent à la mythologie : l'enlèvement d'Idun par Thjazi, et comment Skadi se choisit Njörd pour époux, l’origine et le vol de l'hydromel poétique, les combats de Thor contre les géants Hrungnir et Geirröd ou encore la fabrication des objets précieux des dieux. D’autres sont relatives à des héros ou à des rois légendaires : Snorri résume ainsi toute l’histoire de Sigurd et des Völsungar. Il évoque aussi les rois Fródi et Hrólf Kraki, ainsi que la Hjadningavíg.

    Les kenningar qui figurent dans le Skáldskaparmál sont empruntées à d’anciens scaldes. Parfois, Snorri ne se contente pas de citer une kenning, mais rapporte de longs extraits de poèmes permettant de les expliquer : sont ainsi citées la Haustlöng de Thjódólf des Hvínir, la Thórsdrápa d'Eilíf Godrúnarson et la Ragnarsdrápa de Bragi Boddason. Figure aussi dans le Skáldskaparmál un poème considéré comme faisant partie de l'Edda poétique bien qu'il ne figure pas dans le Codex Regius : le Gróttasöngr.

    Le Skáldskaparmál s’achève sur des listes de heiti. Sa dernière partie se présente sous forme de thulur (listes de noms et heiti versifiées et utilisant des moyens mnémotechniques) : sont ainsi présentées les différentes manières de désigner les dieux, les géants, les hommes et les femmes, la bataille et les armes, et enfin les éléments naturels.

    Les noms de Valkyries sont mentionnées dans le Nafnaþulur qui est une section de la partie Skáldskaparmá de l'Edda de Snorri qui n'est pas édité dans les versions récentes.

    Les récits mythologiques et héroïques évoqués dans le Skáldskaparmál ne nous sont le plus souvent parvenus que grâce à Snorri : sans eux, de nombreuses allusions contenues dans les poèmes scaldiques ou eddiques resteraient obscures. De même, les poèmes cités auraient été perdus s’ils n’avaient figuré dans le Skáldskaparmál.

  • Skírnismál

     

    Le Skírnismál (Dits de Skírnir), ou Skírnisför (Voyage de Skírnir), est un poème de la mythologie nordique contenu dans l'Edda poétique et résumé en prose par l'Edda de Snorri.

    Il décrit le voyage de Skirnir, le messager du Vane Freyr, dans le pays des géants afin de conquérir la femme dont son maître s'est épris, et le mariage qui s'ensuit.

    Le poème eddique est préservé dans le Codex Regius ainsi que dans le manuscrit islandais AM 748 I 4to, et constitue une sorte de Hieros Gamos scandinave. Il compte un court début en prose puis 42 strophes en vers.

    Le Skírnisför est également contenu, de manière très abrégée, dans le trente-septième chapitre de la Gylfaginning où le Codex Upsaliensis lui donne le titre de "Freyr épousa Gerdr".

    Intro. Alors que Freyr s'est assis sur Hlidskjálf, le siège d'Odin, il a aperçu le monde des géants Jötunheimr, et y a vu la géante Gerdr dont il est tombé amoureux.Njörd, le père de Freyr, demande à l'écuyer de celui-ci, Skírnir, de lui parler.

    1-5. Skadi, la femme de Njörd, ordonne à Skírnir de demander à Freyr pourquoi il est triste. Ce dernier répond que dans la halle du géant Gymir, il a vu Gerdr dont il est tombé amoureux :

    Freyr qvaþ:

    6.

    I Gymis ga/rþom

    ec sa ganga

    mer tiþa mey;

    armar lysto,

    en af þaþan

    alt lopt oc la/gr.

    Freyr dit :

    6.

    Dans l'enclos de Gymir

    J'ai vu marcher

    Une fille après qui je languis ;

    Ses bras brillaient

    Et faisaient resplendir

    Air et mer tout entiers.

     

    7-10. Freyr demande à Skírnir de partir chercher la géante, ce pour quoi l'écuyer réclame un cheval, afin de traverser les flammes entourant le Jötunheimr, et son épée "qui combat d'elle-même".

    11-13. Skírnir chevauche donc jusqu'à Jötunheimr. L'enclos de Gerdr est gardé par des chiens. Skirnir demande alors à un berger non loin comment passer malgré les chiens, ce à quoi le berger répond que vivant, Skirnir ne passera pas. Skirnir se résout à franchir l'enclos.

    14-24. Gerdr se plaint d'un vacarme à sa servante qui lui explique qu'un coursier est arrivé. Gerdr l'invite et lui demande la raison de sa visite. Skirnir lui demande d'épouser Freyr et lui offre successivement pour la convaincre des pommes d'Idunn et l'anneau Draupnir, mais Gerdr refuse. Alors Skírnir la menace de lui trancher la tête, mais elle ne se laisse pas intimider.

    25-37. Skírnir lance ensuite une longue incantation au cours de laquelle il invoque successivement Freyr, Odinn et Thorr. Il a recours à la rune Þurisaz et à la magie. La géante cède alors. Elle donne rendez-vous à Freyr neuf nuits plus tard à Barri.

    40-41. De retour chez lui, Skirnir informe son maître du rendez-vous. À la dernière strophe, Freyr déplore la date si lointaine du rendez-vous :

    Freyr qvaþ :

    42.

    La/ng er nott,

    langar ’ro tver,

    hve vm þreyiac þriár?

    opt mer manaþr

    minni þotti,

    enn sia half hynótt.

     

    Freyr dit :

    42.

    Longue est une nuit,

    Plus longues, deux nuits,

    Comment languirai-je trois nuits?

    Souvent un mois

    M'a paru moins long

    Que cette demi-nuit d'ardente veille.

     

    Le Skírnismál est un mythe naturaliste évoquant l'union du dieu de la fécondité, Freyr, à la terre, Gerdr. La mort de Freyr du fait de la perte de son épée, symbole phallique, serait alors à interpréter comme l'épuisement du dieu fécond après l'insémination, et donc sa vulnérabilité.

    En outre, au sujet du lieu où prend place le mariage, la Gylfaginning (37) évoque non Barri mais le mot Barey, sans doute formé sur barr, terme renvoyant au monde végétal, et -ey, l'île. Il s'agirait peut être de Barra (Écosse), Barra Head ou encore Berneray.

     

    (Ressources Wikipédia)

  • Þrymskviða

     

    La Thrymskvida ou Þrymskviða (« Chant de Thrym » en vieux norrois) est un poème de l’Edda poétique racontant le vol du marteau de Thor par le géant Thrym et sa récupération. Il est d'ailleurs également connu sous le nom d’Hamarsheimt (« Récupération du marteau » en vieux norrois).

    Il s'agit d'un poème en trente-deux strophes transmis par le Codex Regius.

    Un matin en se réveillant, Thor ne retrouve pas son marteau (strophe 1). Il se confie à Loki et tous deux se rendent chez Freyja, à qui ils demandent son habit de plumes (3). Elle accepte de le leur prêter (4) et Loki vole jusqu'au monde des géants (5). Là siège Thrym (6), avec qui s'engage un dialogue (7). Le géant avoue avoir caché le marteau de Thor, et ne consent à le rendre que si on lui remet Freyja pour femme (8). Loki retourne alors à Ásgard (9). Interrogé par Thor (10), il lui fait part de ce qu'il a appris (11). Les deux dieux retournent chez Freyja, à qui ils demandent de s'apprêter à partir pour le monde des géants (12). Mais celle-ci refuse avec colère (13). Tous les dieux se réunissent alors pour trouver un moyen de récupérer le marteau (14). Heimdall suggère de déguiser Thor en Freyja (15-16). Dans un premier temps, Thor refuse, craignant que l'on doute de sa virilité (17). Mais Loki fait valoir que si le marteau n'est pas récupéré, les géants envahiront Ásgard (18). Thor se laisse finalement travestir (19). Quant à Loki, il se déguise en servante (20), et tous deux partent pour le monde des géants (21).

    Thrym prépare sa halle pour accueillir Freyja (22), pour qui il éprouve un grand désir (23). Les deux dieux arrivent pour le dîner, au cours duquel Thor dévore entre autres un bœuf et huit saumons, arrosés de trois tonneaux d'hydromel (24). Comme Thrym s'étonne de cet appétit (25), Loki lui explique que Freyja n'a pas mangé depuis huit jours, tant était grande son excitation de venir au monde des géants (26). Voulant embrasser sa fiancée, Thrym est ensuite épouvanté par son regard féroce (27). Loki l'explique par le fait que Freyja n'a pas dormi depuis huit jours, tant était grande son excitation de venir au monde des géants (28). Arrive alors la sœur du géant, qui demande à la supposée Freyja un cadeau de noces (29). Thrym demande ensuite que soit apporté Mjöllnir pour consacrer les fiancés. Le marteau est déposé sur les genoux de Thor (30), qui tue le géant et toute sa famille (31-32)

    Il y a plusieurs décennies, E. V. Gordon soutenait que la Thrymskvida « avait probablement été composée vers 900 ». L'hypothèse d'une telle ancienneté a été à peu près totalement abandonnée depuis, même si un examen linguistique du texte fait apparaître certaines formes grammaticales archaïques (peut-être délibérément introduites).

    De nombreux arguments vont en effet dans le sens d'une composition récente. Le mythe du vol du marteau de Thor n'est ainsi évoqué dans aucune autre source, ni par les scaldes ni par Snorri Sturluson. De plus, la Thrymskvida est composée de nombreux emprunts à d'autres poèmes eddiques. La question « Que se passe-t-il chez les Ases ? Que se passe-t-il chez les Alfes ? » (« Hvat er með ásum? / Hvat er með álfum? »), posée par Thrym à Loki (7), est aussi la question que pose la voyante dans la Völuspá (48) ; une strophe (14) presque entière de la Thrymskvida est reprise des Baldrs draumar (1) et le « Tais-toi, Thor » (« Þegi þú, Þór ») de Loki (18) fait écho aux « Tais-toi » récurrents par lesquels débutent les interventions de Loki puis de Thor dans la Lokasenna. Enfin, la dimension satirique de ce poème laisse aussi supposer une composition tardive, nettement postérieure à la conversion au christianisme (999 en Islande), même si, comme l'a fait remarquer E. O. G. Turville-Petre, « il ne s'ensuit pas nécessairement que ceux qui racontaient des contes humoristiques sur les dieux avaient cessé d'y croire ».

    Un certain consensus semble donc se dégager pour dater ce poème de la fin du XIIe ou du XIIIe siècle.

    Du fait notamment des multiples emprunts à d'autres textes, certains auteurs ont soutenu l'idée selon laquelle la Thrymskvida serait une œuvre parodique et satirique. C'est en particulier la thèse de Heinrich Matthias Heinrichs. Plusieurs éléments viennent à l'appui de cette hypothèse. Ainsi, deux des principaux dieux du panthéon nordique sont « obligés d'agir d'une façon contraire à leur réputation » (Carolyn Larrington) : Freyja, dont la légèreté des mœurs n'est pas à démontrer, refuse ainsi, outrée, de se marier avec un géant, tandis que Thor, incarnation de la virilité, est obligé de se travestir. La Thrymskvida contient aussi plusieurs scènes burlesques, notamment celle du dîner chez Thrym, qui met en scène la gloutonnerie de Thor, la concupiscence de Thrym et l'esprit de Loki.

    Peter Hallberg a défendu la thèse selon laquelle la Thrymskvida serait une création de Snorri Sturluson. Parmi ses arguments figure le fait qu'il est surprenant que Snorri n'évoque pas le mythe du vol du marteau de Thor, malgré sa popularité. Connaissant parfaitement la mythologie nordique, Snorri aurait effectivement été bien placé pour rédiger un pastiche, mais, selon Peter Hallberg, il aurait refusé par scrupules d'évoquer le mythe ainsi inventé dans son Edda.

    Si cette thèse semble avoir la faveur de l'universitaire français Régis Boyer, elle est toutefois considérée avec beaucoup de réserves par la plupart des chercheurs.

    La question des sources de la Thrymskvida a suscité bien des hypothèses. Vieux fond indo-européen ou emprunt récent (à l'Irlande, à la Russie ou même au Moyen-Orient) ont été successivement avancés, sans qu'aucune solution ne réunisse l'approbation d'une majorité de chercheurs.

    Quelle que soit son origine, la Thrymskvida a eu une grande popularité à partir de la fin du Moyen Âge. Des adaptations rimées en forme de ballades (rímur), dénommée Þrymlur, virent le jour en Islande dès le début du XVe siècle. Des chants populaires (folkeviser) furent aussi composés sur ce thème dans tout le monde scandinave, dont un très célèbre au Danemark au XVIe siècle.

    Des interprétations psychanalytiques de la Thrymskvida ont été proposées. Selon Richard Perkins, Mjöllnir serait un symbole phallique et le poème évoquerait donc la perte puis le recouvrement par Thor de sa virilité. Dans une perspective jungienne, John McKinnell voit quant à lui dans la perte du marteau la peur pour l'homme de perdre sa virilité, tandis que le bris du collier des Brísingar (attribut de Freyja que la déesse casse dans sa colère lorsqu'elle se voit demander d'épouser un géant) représenterait la crainte pour la femme de la trahison masculine.

    Lorsque Heimdall suggère à Thor de se déguiser, il est présenté de la façon suivante : « il savait bien l'avenir / comme les autres Vanes ». Or, il n'est nulle part ailleurs fait mention de l'appartenance de ce dieu à la famille des Vanes. Peut-être faut-il comprendre, comme le suggère Régis Boyer, qu'« il savait bien l'avenir comme s'il était l'un des Vanes ». D'ailleurs, dans sa traduction de l'Edda, Carolyn Larrington a choisi de traduire par « il peut voir l'avenir comme les Vanes le peuvent aussi » (en anglais, emploi de la conjonction as plutôt que like). De toutes les façons, cette phrase ajoute encore un peu plus de confusion au dossier de celui que Jan de Vries a qualifié de « dieu énigmatique ».

    Vár est une déesse dont Snorri Sturluson dit (Gylfaginning, 35) qu'elle « écoute (...) les accords que passent entre eux les hommes et les femmes » et « punit ceux qui ne tiennent pas parole ». En dehors de Snorri, la Thrymskvida est la seule source où cette déesse est mentionnée. Elle est en effet invoquée par Thrym qui demande que son union avec Freyja soit consacrée « par la main de Vár » (30), dont le rôle en tant que déesse du mariage est en conséquence confirmé.

    Si la Thrymskvida montre la fonction usuelle de Mjöllnir — arme redoutable destinée à massacrer les géants, elle met aussi en évidence une autre de ses fonctions : c'est en effet pour « consacrer la fiancée » que Thrym fait apporter le marteau. Se trouve ainsi confirmé le rôle de Mjöllnir en tant qu'instrument de consécration, lié au culte de la fécondité, ce que laissaient déjà supposer des gravures rupestres de l'âge du bronze (ainsi celle de Hvitlycke, en Suède, représentant un homme et une femme accouplés avec, surgissant derrière eux, un homme gigantesque brandissant une hache ou un marteau).

  • Vafþrúðnismál

     

    Dans la mythologie nordique, le Vafþrúðnismál (« Les dits de Vafþrúðnir ») est le troisième poème de l'Edda poétique. Il commence par une conversation entre le dieu Odin et la déesse Frigg, puis continue avec une série de questions ou « devinettes » entre Odin et le géant Vafþrúðnir relatant surtout de la cosmogonie (les jeux de questionnement d'Odin pour prouver sa sagesse ou déterminer l'étendue de la sagesse d'un interlocuteur sont choses récurrentes dans la mythologie nordique). Le poème compte 55 strophes, il est préservé dans le Codex Regius et partiellement dans le manuscrit islandais AM 748 I 4to. On peut couper les poème en 4 parties ; les premières strophes avec la conversation entre Odin et Frigg, ensuite la conversation entre Odin et Vafþrúðnir où ce dernier est le questionneur, puis quand Odin devient le questionneur, et enfin quand « les questions que pose désormais Odin relèvent de la plus haute science : divination et magie ».

    Départ d'Odin :

    1–5.

    Odin fait part à Frigg de son intention de rendre visite à Vafþrúðnir afin de questionner son fameux savoir, ce que Frigg déconseille en indiquant qu'il s'agit du plus puissant des géants. Néanmoins, Odin insiste pour y aller, et Frigg lui souhaite un bon voyage.

    6–10.

    L'Ase se rend donc chez le géant, se présente sous le nom de Gagnráðr, et lui révèle sa volonté d'éprouver son savoir. Vafþrúðnir, ignorant qu'il s'agit d'Odin, le menace de ne pas sortir vivant s'il se révèle moins sage que lui.


    Vafþrúðnir pose le premier les questions. Chacune commence ainsi :

    11–18.

    Dis ceci, Gagnráðr,

    Puisque tu veux du bas bout de la halle

    Éprouver ton renom.

    Il lui demande le nom du cheval qui tire le jour (Skinfaxi), puis de celui qui porte la nuit (Hrimfaxi), de la rivière qui sépare les domaines des dieux et des géants (Ifing), et enfin de la plaine où ceux-ci se battront (Vígríd).

    Vafþrúðnir invite l'étranger à se rapprocher et met sa tête en gage au cas où il ne saurait répondre à une question d'Odin.

    Vafþrvðnir qvaþ:

    19.

    Froþr ertv nv gestr,

    far þv a becc iotvns

    oc melomc i sessi saman!

    ha/fði veðia

    við scolom ha/llo i,

    gestr! vm geðspeki2.

    Vafþrúðnir dit :

    19.

    Savant tu es, hôte

    Viens-t'en sur le banc du géant,

    Et parlons assis ensemble ;

    Nous allons dans la halle

    Mettre notre tête en gage,

    Hôte, sur notre sagesse.

     

    Questions cosmogoniques :

    20–43.

    Odin interroge à son tour :

    Dis ceci en [énième] lieu

    Si tes dons y suffisent,

    Et si toi, Vafþrúðnir, le sais.

    À douze reprises, Odin pose une question sur la création du monde, sur celle de la lune et du soleil, du jour et de la nuit, de l'hiver et de l'été, sur le plus ancien des fils d'Ymir, sur l'origine de celui-ci, sur sa propre descendance, sur le premier souvenir de Vafþrúðnir, sur l'origine du vent, et de Njörd, sur les guerriers d'Odin, et enfin sur les runes des géants et des dieux.

    Questions eschatologiques :

    44–53.

    Odin poursuit alors ses questions sur des matières qui relèvent de la plus haute science : sur les hommes qui survivront après la fin du monde (Ragnarök), sur les divinités du destin, sur les dieux qui survivront également, sur la mort d'Odin lui-même, et sur celle du loup Fenrir.

    Chaque fois, il dit :

    Fiolþ ec for,

    fiolþ ec freistaþac

    fiolþ ec vm reynda regin.

    Maints voyages j'ai faits,

    Maintes choses j'ai tentées,

    Maintes puissances j'ai éprouvées.

     

    Dénouement :

    54.

    Enfin, n'ayant pu le mettre en difficulté, Odin interroge le géant sur le secret que seul lui peut connaître :

    hvat melti Oðinn,

    aþr a bal stigi,

    sialfr i eyra syni?

    Qu'a dit Óðinn ;

    Avant qu'il monte sur le bûcher,

    Lui-même à l'oreille de son fils ?

    Vafþrvðnir reconnait alors Odin, et admet sa défaite :

    Vafþrvðnir qvaþ:

    55.

    Ey manne þat veit,

    hvat þv i ardaga

    sagdir i eyra syni;

    feigom mvnni

    melta ec mina forna stafi

    oc vm ragnara/c.

    Nv ec viþ Oðin deildac

    mina orþspeci,

    þv ert e visastr vera.

    Vafþrúðnir dit :

    55.

    Nul homme ne sait

    Ce qu'autrefois

    Tu dis à l'oreille de ton fils ;

    D'une bouche vouée à la mort,

    J'ai dit mon antique savoir

    Et la chute des dieux ;

    Voici qu'avec Óðinn j'ai fait assaut

    De ma sagesse en paroles.

    Tu es et seras toujours le plus sage des hommes.

  • Völuspa. Prédiction de la Prophêtesse

    Odin et la volva

    La Völuspá ['vœ:løspá] (en français « prophétie de la voyante » ou « dit de la voyante ») est un poème anonyme en vieux norrois de mythologie nordique probablement composé au Xe ou XIe siècle ("vers l'an 1000", selon Régis Boyer). Il s'agit sans conteste de la plus célèbre œuvre parmi les poèmes mythologiques contenus dans L'Edda Poétique. Long de 59 à 66 strophes selon les versions, il est préservé dans les manuscrits islandais Codex Regius et Hauksbók, rédigés respectivement aux XIIIe et XIVe siècles. Une trentaine de strophes sont également citées dans l'Edda de Snorri, écrit aux IIIe siècle.

    La Völuspá est un poème cosmogonique et eschatologique qui prend la forme d'un long monologue où une voyante expose au dieu Odin, en une série de visions riches de détails, l'histoire et le destin du monde, des dieux et des hommes, depuisl'origine du monde jusqu'au Ragnarök qui verra l'avènement d'un renouveau de l'univers. Bien que probablement composé par un scalde païen, la plupart des chercheurs s'accordent à penser que le poème a été influencé par des dogmes et l'imagerie chrétiennes qui étaient certainement connus des islandais cultivés à l'époque, comme l'idée de régénération morale après une fin du monde prophétique...

    Le titre en vieux norrois, Völuspá, n'est mentionné que dans l'Edda de Snorri, qui ne fait que citer des extraits du poème. Il peut être décomposé comme suit : völva désigne les voyantes dans le monde nordique, et le terme vieux norrois spá se réfère à l'acte de prophétie ou de vision. Ainsi, Völuspá signifie littéralement« prophétie de la voyante ».

    La Völuspá est aujourd'hui le poème le plus célèbre de l'Edda poétique, une compilation de poèmes anonymes de la mythologie nordique composés entre les IXe et XIIIe siècles et se trouvant dans divers manuscrits, le plus important étant le Codex Regius. La Völuspá est conservée dans des manuscrits considérés comme des copies d'originaux qui ont été perdus. Le poème apparaît en 62 strophes en tête du Codex Regius AM 748, rédigé vers 1270. Le manuscrit n'a été redécouvert qu'au XVIIe siècle par l'évêque luthérien Brynjólfur Sveinsson, qui le nomma l'Edda de Sæmund car il pensait à tort que les poèmes étaient composés par le prêtre catholique Sæmundr Sigfússon (1056-1133).

    La Völuspá est également préservée en 59 strophes dans le recueil appelé Hauksbók, du nom de son auteur Haukr Erlendsson, rédigé vers 1325. Autrement, l'Edda en prose de Snorri Sturluson, rédigée vers 1220, raconte en prose certains mythes évoqués dans la Völuspá et cite une trentaine de strophes du poème - d'ailleurs le titre du poème n'est mentionné que dans l’œuvre de Snorri, et ce une dizaine de fois. Les différentes sources présentent des versions un peu différentes, ainsi, la plupart des chercheurs utilisent le texte du Codex Regius et y rajoutent les quatre strophes que l'on trouve uniquement dans Hauksbók, ce qui aboutit donc à un poème « reconstruit » de 66 strophes.

    Comme pour l'ensemble des textes de l'Edda poétique, l'auteur est anonyme et sa date précise de composition n'est pas donnée. Le poème est probablement d'origine islandaise. Le poème Thorfinnsdrápa du scalde Arnórr jarlaskáld, qui a été composé de source sûre en 1065 et à sa strophe 24 copie des expressions de la strophe 54 de la Völuspá, est alors considéré comme un terminus ante quem. La plupart des chercheurs placent la composition de la Völuspá autour de l'an mil, bien que certains remontent sa composition jusqu'au début du Xe siècle.

    Le mètre employé est le fornyrðislag (« ton des anciens récits »). Il consiste en des strophes de huit vers courts à deux temps forts, l'accent islandais tombant toujours sur la première syllabe. Les vers sont constitués de quatre syllabes. Les vers pairs et impairs sont reliés par allitération.

    Plusieurs partitions du poème ont été proposées. Notamment, les révélations de la voyante concernent tout d'abord les temps de la création, puis les grands événements mythologiques, qu'elle décrit à la première personne. La fin du monde et ce qui lui succède sont ensuite racontés à la troisième personne. Cette forme de narration, qui évoque un dédoublement de la personnalité, est caractéristique des médiums. Elle dénote peut être une influence chamanique.

    Le Passé :

    1-8. Le poème débute sur une présentation de la Völva. Elle est une géante et, comme le lui a demandé Odin, elle va décrire les temps primordiaux. Il n'y avait alors que le vide. Les fils de Bur créèrent ensuite le monde. Il n'y avait non plus ni jour ni nuit. Les dieux se consultèrent alors et organisèrent le temps. Puis ils se rassemblèrent à Idavoll et y érigèrent leurs temples. C'était l'âge d'or.

    9-16. Puis les dieux réfléchirent aux peuples que les nains devaient former du sang et des os d'Ymir, le géant primordial. La Völva décline alors la thula des nains.

    17-18. Les dieux trouvèrent alors Ask et Embla, le premier homme et la première femme. Ils étaient faibles, alors Odin leur donna l'esprit, Hœnir le sens, et Lódur le sang.

    Le Présent :

    21-24. La Völva évoque ensuite la guerre des dieux. Les Ases tentèrent à trois reprises de tuer et brûler Gullveig, une sorcière qui les perturbait. Ils se consultèrent afin de savoir s'il serait payé un tribut aux Vanes. Odin provoqua alors la première guerre contre ceux-ci. Au cours de la guerre, l'enceinte d'Ásgard fut détruite et les Vanes remportèrent la victoire.19-20. Il y a un arbre primitif, Yggdrasill. Sous celui-ci se trouve le puits où les trois Nornes — Urdr, Vervandi et Skuld — arrêtent le destin des hommes.

    25-26. Les remparts de la cité des dieux furent reconstruits. Cependant, les promesses des Ases furent brisées par Thor qui se battit contre le géant bâtisseur.

    28-33. Odin revient interroger la voyante et lui offre des bijoux. Elle voit alors la mort de Baldr, tué par son frère avec une branche de gui. Il sera vengé par son autre frère Vali.

    34-35. La Völva voit ensuite le supplice de Loki, enchaîné grâce aux chaînes de Vali. Sigyn veille à ses côtés.

    36-39. Elle décrit les quatre points cardinaux. Notamment, elle dépeint la sombre demeure des parjures, Náströnd. Nídhögg y suce les cadavres, Garmr les dépèce.

    40-43. À l'est, les loups se reproduisent et les signes de la fin se multiplient.

    La Fin :

    44-52. Le Ragnarök sera annoncé par Garmr. Les chaînes de Fenrir se briseront, la discorde se répandra et Heimdall soufflera dans Gjallarhorn. Alors que les Ases tiennent conseil, Hrym arrive de l'est et Jörmungand s'agite dans la mer. Les fils de Muspellheim prennent la mer à bord du bateau Naglfar, conduit par Loki. Le géant du feu Surt vient par le sud. Le sol s'ébranle et le ciel se fend.

    53. Frigg apprendra avec tristesse que Fenrir a dévoré son mari. Freyr combattra Surtr.

    54-58. Plus tard, Vidar tuera le loup. Thor combattra le serpent du monde et mourra ensuite, après avoir fait neuf pas. Le monde vacillera et le feu le recouvrira.

    59-66. Puis, à nouveau, Idavoll deviendra verte. Les Ases s'y rassemblent et se remémorent ces événements. Ils retrouveront les tables d'or. Höd et Baldr reviendront du séjour des morts. Tous viendront habiter à Gimlé. Nídhögg redescendra de Nidafjöll et survolera les plaines en portant des cadavres sur ses ailes.

    Eléments chrétiens :

    La Völuspá a probablement été écrite aux alentours de l'an mil, ce qui correspond à l'année de la christianisation officielle de l'Islande. En tous cas, il est probable que l'auteur était versé en Christianisme. De nombreux chercheurs retrouvent dans les tableaux dépeints de la Völuspá des imageries peut-être empruntés à la Bible ou à la mythologie chrétienne. Notamment, la description de l'origine du monde, la description du Ragnarök rappelle l'Apocalypse de Saint Jean, ainsi que le renouveau en un monde idyllique - la régénération du monde étant considérée comme un concept chrétien ayant été adoptée dans le poème. De nombreux chercheurs ont rapproché la rédaction de la Völuspá à la croyance chrétienne en la fin du monde millénariste, toutefois d'autres spécialistes estiment que c'est sans fondement, et qu'une supposée peur de l'an mil n'est qu'une idée reçue inventée par les écrivains romantiques.

    « Certains spécialistes ont vu dans les lignes conclusives une annonce de la venue du Christ, et ont trouvé des traces de christianisme dans l'ensemble du poème ; mais aujourd'hui les meilleurs spécialistes considèrent ces passages comme des interpolations (à cause de leur divergence avec l'esprit dominant du poème). Cependant cela n'exclut pas une familiarité avec les concepts fondamentaux du christianisme : une telle connaissance s'était diffusée dans le Nord au neuvième et au dixième siècle — époque pendant laquelle l'imagination a été vigoureusement stimulée par les activités variées de « l'époque viking ». Une étude de la langue (le vers utilisé étant le fornyrdislag) du poème conduit à une conclusion similaire. Pour autant cependant, la majeure partie de la matière du poème est peut-être d'une date bien antérieure. Une étude récente a suggéré que la partie cosmogonique, les 27 premières strophes, constituée de bribes et de fragments de haute antiquité — certains d'une force extraordinaire — a été rajoutée à un poème eschatologique de composition plus récente ».

    Dans la culture moderne

    Considéré comme la plus célèbre œuvre de l'Edda poétique, et par extension une des plus célèbres sources primaires de la mythologie nordique, la Völuspá est naturellement référencée dans la culture populaire moderne.

    En 2003, ce poème a été honoré d'une collection de 10 timbres féroïens appelée Vøluspá, créés par Anker Eli Petersen, qui font référence aux mythes évoquées dans l’œuvre.

    La Völuspà et l'Edda poétique sont des thèmes récurrents dans l'univers du Metal. Tous les groupes officiant dans ses catégories païennes y puisent une grande partie de leur inspiration.

     

    Nous avons recopié la traduction de la Völuspa selon l'interprétation qu'en fait Régis Boyer dans son ouvrage "L'Edda Poétique", aux éditions Fayard. Ce poème compte 66 strophes. 

     

    1 - Silence je demande à tous

    (La suite en pages)