Religion Nordique Ancienne

 

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La religion nordique ancienne (ou paganisme nordique) recouvre l’ensemble des croyances et des pratiques religieuses des peuples scandinaves, des origines à l’âge du bronze, jusqu’à l’ère Viking, de 800 à la christianisation autour de l’an 1000. Ces croyances sont sans prêtres, ni dogmes, ni lieux de cultes.

« La religion des anciens scandinaves n'est pas révélée mais vise à participer à la vie des Dieux en ce monde et dans l'autre, la frontière entre les deux étant très floue et souvent quasiment inexistante. [...Elle] ne connaissait pas de doctrine, mais consistait en une attitude et surtout en un certain nombre d'actes signifiants qu'on peut appeler rites. Le rite est l'essentiel de la religion nordique ancienne. ». Elle a donné naissance à un ensemble de mythes relatés notamment dans les Eddas, la mythologie scandinave.

Un statut particulier était accordé par ces peuples à la nature, à la femme, mais aussi à certains animaux, comme l’ours, le cheval, le sanglier et le corbeau, qui se voyaient attribuer des pouvoirs fabuleux et possédaient une place importante dans les rituels et les traditions.

Les Scandinaves ne donnaient pas de nom à leur culte avant l’arrivée du christianisme. À la suite de l’arrivée des missionnaires chrétiens en Scandinavie tels qu’Anschaire de Brême vers 829 et le roi Harald Ier de Danemark qui réussit à imposer le christianisme dans son pays vers 960, les textes médiévaux de Scandinavie mentionnèrent le terme forn siðr pour désigner la religion originelle de ces peuples. L’expression signifie littéralement « ancienne coutume, ancienne pratique » en vieux norrois.

Leur langue ne dispose pas de vocable pour « religion », le mot approchant serait «seydr, sejdr ou sidr » : coutume, ensemble de pratiques, magie, médecine... activités principalement féminines. Leurs croyances ne possèdent aucun crédo, pas de prières à proprement parler, « pas de prêtres, ni ordre religieux, ni temples, point de délire imaginatif ou de longues méditations rêveuses », sans foi, sans dogmes.

« Ils (Germains du nord) n’ont ni druides qui président au culte des dieux, ni aucun goût pour les sacrifices, ils ne rangent au nombre des dieux que ceux qu’ils voient et dont ils ressentent manifestement les bienfaits, le soleil, le feu, la lune. Ils n’ont même pas entendu parler des autres »

— César, De Bello Gallico, VI, 21

« Ils répugnaient à présenter leurs Dieux sous formes humaines, il leur semble peu convenable à la grandeur des habitants du ciel, ils leur consacrent les bois, les bocages et donnent le nom de Dieux (et Landvaettir) à cette réalité mystérieuse que leur seule piété leur fait voir » « Aucun de ces peuples ne se distingue des autres par rien de notable, sinon qu’ils ont un culte commun pour Nerthus c’est-à-dire la Terre Mère, croient qu’elle intervient dans les affaires des hommes et circule parmi les peuples » »

— Tacite, Germania, IX, 3

Les textes constituant la mythologie nordique ont été rédigés par des clercs ou des hommes issus d’une formation cléricale. La question de l'interpretatio christiana est souvent débattue pour savoir à quel point ils ont réinventé la mentalité des Vikings deux ou trois siècles après leur disparition. Ainsi, selon Régis Boyer, « l’Église apportait dans ses bagages toute une magie biblique ou orientale fatidique que l’on attribua à tort aux Vikings » et « tous les documents islandais anciens sont écrits sur palimpsestes, il faut gratter l’apport continental chrétien pour tenter de retrouver l’authenticité scandinave (et germanique) ancienne ». Il propose d’essayer de reconstituer la mentalité viking plutôt que de prendre à la lettre des récits souvent trop complaisants ou adaptés de sources latines. Pour Hilda Ellis Davidson, « nous avons affaire à un monde mythique artificiel, bien éloigné de la foi vivante de l’ère païenne ». Einar Ólafur Sveinsson, spécialiste islandais et son école, disent (en parlant de tous les textes) que : « la littérature ancienne de son pays est mi ecclésiastique, mi séculiere ». Régis Boyer constate qu’« on ne voit pas comment le contredire ».

Cependant, « l'essentiel de ce que nous connaissons par les Eddas se trouve déjà gravé dans la pierre, au minimum plus d'un millénaire et demi à l'avance. Dans ces conditions, les tentatives d'interprétation de la mythologie nordique par des collusions avec les courants de pensée orientale ou chrétienne à l'époque historique s'effondrent d'elles-mêmes, ce qui, bien entendu, n'exclut pas les interpolations », et pour François-Xavier Dillmann, à propos de l'Edda de Snorri Sturluson : « ...La mise en évidence d'indéniables influences bibliques dans l'un ou l'autre chapitre de la Gylfaginning n'a que trop fréquemment été utilisée pour tenter de jeter le discrédit sur toute l'entreprise de Snorri. Force est néanmoins de constater que, même s'il vivait dans un pays évangélisé depuis environ deux siècles et s'il avait reçu à Oddi une éducation fortement teintée de dogmatisme chrétien, Snorri montrait une profonde inclination pour la mythologie ancestrale. [...] S'il serait certainement abusif d'en faire un propagandiste païen en pleine époque chrétienne, il ne nous semble pas douteux qu'il ait chéri ces belles histoires qui assuraient la pérennité de la poésie scaldique, ces vieux mythes dans lesquels s'exprimaient le génie de sa nation. ».

De là viennent sans doute les analogies des Nornes avec les Parques, des Valkyries avec Apsaras, de Tyr avec Mars, d’Odinn avec Mercure, de Loki avec Lug, ou encore de Fjorgyn avec Perkun. Les Nornes et leur destin immuable sont vues comme une invention chrétienne associant Urd (le nom d’une source),Skuld (le nom d’une Valkyrie), et Verdandi (seule la Voluspa cite ce nom). Pour Jean Renaud, « Urd était probablement la plus authentique des trois, à laquelle on aurait associé par la suite les deux autres ». Bon nombre des êtres surnaturels de la mythologie nordique sont adoptés sur le tard lors de la christianisation, et certains sont apportés par l’Église. On les soupçonne de suivre quelques grands modèles célèbres dans tout le Moyen Âge, comme Isidore de Séville ou tout simplement la Bible.

L’Islande devenue chrétienne, l’Église ne badine pas plus là qu’ailleurs sur la stricte observance de ses lois. Seules certaines pierres à inscriptions runiques auraient échappées à la destruction car elles comportaient des signes religieux chrétiens comme la pierre de pierres de Jelling, où des inscriptions neutres. La rédaction deux siècles après l’âge Viking, donne latitude à l’Église, d’entreprendre un travail patient et opiniâtre d’éradication, bien connu d’autre part. Elle s’efforçait de dévaluer les croyances et pratiques menaçant la doctrine chrétienne, les dieux passent à l’état de diables, ou subtilement ils se retrouvent ridiculisés. (Harbardsljod ou la Lokasenna). Ou les dieux ne sont plus que de simples humains divinisés, ainsi ils périssent lors du combat final (Voluspa, ragnarök…) Régis Boyer.

Régis Boyer met en exergue une croyance ancestrale en une grande déesse mère de la création et de la vie, en harmonie avec les forces et les éléments naturels qui régissent l’univers, et à qui ils ont donné par la suite une représentation anthropomorphe.

À l’origine « les pères des Vikings » croyaient en une Déesse Mère et aux grandes forces naturelles que sont le soleil, l’eau, la terre, l’air, le feu et la vie, qu’ils ont représentés plus tard par la création d’un panthéon qui compte notamment :

Odin (Yggr, le redoutable), 

Odr (fureur) 

Thor (tonnerre), 

Jord (terre), 

Frigg, Freyja (femme), 

Fjörgyn (il/elle, qui favorise la vie), 

Sól (le soleil), 

Máni (la lune), 

Baldr et Freyr, (seigneur), 

Surtr (noir du feu), 

Mímir (mémoire), 

Bragi (parangon),

Logi/Loki (flamme)...,

Le Grand Arbre Yggdrasill.

Les Landvaettir sont les esprits tutélaires des lieux naturels tels que les collines, arbres, cascades, pierres… La tête de monstre sculptée sur la proue des bateaux vikings était faite à leur intention, afin d’épouvanter les Landvaettir des pays à investir. Il convenait de l’enlever avant d’arriver en pays ami. La Grande Déesse Mère constitue un point capital dans les croyances des anciens scandinaves et germains.

La pratique cultuelle essentielle était le blót (vénération), il pouvait aussi avoir le sens de (sacrifice) ou blótveizla (banquet sacrificiel), dont le but était de renforcer la divinité en nouant un lien entre elle et les participants ; il suivait quatre étapes :

- des sacrifices d'animaux (mais qui ont pu être humains à l'origine), dont le sang est répandu sur l'autel, le bâtiment et les participants.

- un banquet où l'on consommait la viande des animaux sacrifiés cuite, et où l'on portait des toasts de bière ou d'hydromel aux dieux (Odin, Njörd, Freyr et Bragi), au roi, et surtout aux parents morts (drekka minni : boire à la mémoire de).

- on consultait les augures de diverses façons : à travers une source ou une cascade, en jetant des rameaux trempés dans le sang sacrificiel (hlautteinar) sur un linge blanc.

- le quatrième et dernier temps du blót consistait à faire des vœux ou à s'engager par serment solennel à accomplir de hauts faits : c'est la pratique du heitsstrenging, où le paroxysme de la tension se double de l'ivresse du banquet pour exalter au maximum la force vive de l'homme en communion avec la divinité.

Ils ont avec les puissances naturelles et les dieux un rapport de « donnant donnant ».

Le chef de famille ou du clan procède aux cérémonies, naissances, mariages, décès... et fait office de goði, sorte de « prêtre temporaire ». Certains de ces godis se muèrent en prêtres officiels chrétiens, surtout en Islande.

Les Vikings n’ont pas une conception du destin immuable. Quels que soient les projets de leurs dieux, les anciens scandinaves et germains demeurent libres et croient en leur capacité d’infléchir leurs dieux et de forcer le destin, pour le modifier, car ils croient à la chance (gaefa), à leurs talents, à leur force et volonté, à leur capacité de réussite, et aussi à l’appui de leurs ancêtres: ce qu’ils nomment « eiginn mattr ok megin ». Pragmatiques, ils ne sont en aucun cas des fatalistes subissant un destin. Ce sont avant tout des combattants et des hommes libres qui décident de leur sort au risque de déplaire aux dieux. Ils croient à la magie ou plutôt au sentiment de la présence constante du surnaturel et à la divination pour percer les projets de leurs ennemis, des dieux et des forces tutélaires, afin de changer le cours des évènements, et d’anticiper sur le destin, donc de le modifier, car rien n’est écrit définitivement.

Ils sollicitent les forces, les dieux et leurs ancêtres qui leur répondent dans leurs songes "mik dreymdi, at Freyja" (exemple : Freyja m’a rêvé que...).

Il n’y a pas de destin que leur volonté ou l’aide de leurs dieux ou de leurs ancêtres ne puisse modifier, car les scandinaves étaient des hommes d’actions prisant les valeurs d’action, et on leur fait tort en les accablant de pratiques et de concepts dont, sans aucun doute, ils eussent été fort empêchés.

La formule de Gauka-Thorir : « Nous autres camarades n’avons pas d’autre croyance qu’en nous-mêmes et en notre force et capacité de victoire, et cela nous suffit amplement » (Gauka-Thorir, chapitre CCI Olafs saga hins Helga) se retrouve dans d’autres textes. Pour François-Xavier Dillmann : « cette locution est le plus souvent utilisée dans les textes norrois au sujet de personnages qui sont réputés avoir délaissé le culte des dieux ancestraux et qui, par conséquent, se situaient en dehors du cadre habituel de l’ancienne société scandinave »

« On a longtemps cru que les Scandinaves, dans les siècles qui précédèrent la conversion au christianisme — VIIIe et IXe siècles —, avaient atteint une sorte d'irréligion, de scepticisme ou d'indifférence [...] Cela tenait à une phrase qui se rencontre souvent dans les textes : Hann blôtadi ekki, hann tradi à sinn eiginn màtt ok megin (Il ne sacrifiait pas aux dieux, il croyait en sa propre force et capacité de chance). Il y avait là, semblait-il, une attitude fort inhabituelle au Moyen Âge où l'on avait voulu voir un trait exceptionnel, digne de peuplades que les "philosophes" du XVIIIe siècle français considéraient comme les régénératrices de l'Occident. Les recherches récentes de savants suédois, Folke Ström et Henrik Ljungberg en particulier, ont établi qu'une telle interprétation ne reposait sur rien. » «  Elle soulignait au contraire la participation au sacré qui justifiait qu’un homme se sentît fondé à dépasser les dieux anecdotiques, si l’on peut dire, et à ne croire qu’en lui-même, c’est-à-dire en sa propre capacité de chance et de réussite puisque celles-ci lui venaient des puissances divines. En conséquence, la formule dont nous sommes partis, loin d’être une profession de scepticisme, était un acte d’adoration implicite ! ».

La femme viking tenait un rôle très important. On rencontre dans les textes un nombre élevé de déesses et de créatures surnaturelles féminines (nornesvalkyries, Dises, Haminjur... Il est possible qu’il s’agisse de résurgences du culte ancestral de la Grande Déesse Mère qui a la période viking prend le nom de Fri, Fiia, Frea, Freyja (bien aimée) (elle est la douce chaleur du soleil, la déesse de la vie mais aussi de la mort qui accueille la moitié des guerriers, d’où l’une de ses hypostases : Hel (helja : accueillir, cacher), elle est aussi la déesse guerrière, mais il est également possible qu’il s’agisse de l’influence, dans les textes mis par écrit par les clercs, du développement à partir du XIIe siècle du culte chrétien de la Vierge Marie sous l’impulsion de Bernard de Clairvaux.

Selon de nombreux historiens dont François Xavier Dillmann, nous assistons à une véritable guerre de religion pour instaurer le christianisme par la force, notamment en Norvège où le conflit dura plus d'un siècle. La détermination des missionnaires pour répandre leur foi en Scandinavie et en Germanie, ira parfois jusqu’à détruire des stèles au prix de leurs vies.

Ne parvenant à éradiquer ce paganisme ni par la parole ni par les actes de vandalisme, l’Église eut recourt à une violence volontaire : « Répandre sa foi par le fer et le sang. ». L’émoi et le traumatisme des massacres de Charlemagne se firent ressentir dans toute la Scandinavie. Les historiens et spécialistes (Alain Decaux, André Castelot, François Neveux Rudolf Simek…) pensent que ce fut l’une des raisons qui provoqua les raids vikings qui souhaitaient se venger de la christianisation forcée. La conversion des Scandinaves et des Germains s’est effectuée plus ou moins violemment, sur plus de quatre siècles.

Selon Régis Boyer : « Car- il faut de nouveau insister fortement – la conversion de la Scandinavie se sera faite sans coup férir, sans guerres de religions, sans effusion de sang, sans martyre. Lorsque des chroniqueurs nous la dépeindront, nettement plus tard, sous des dehors tragiques et violents, ils ne le feront que par imitation des vies de saints qui étaient de rigueur en Occident à l'époque. »

L’Église a tâché de ravaler les anciens dieux au rang de démons. Snorri et Saxo Grammaticus s’efforcent de reconstituer un panthéon organisé autour de quelques grands dieux en se contredisant souvent et parfois gravement, et proposent une explication évhémériste des dieux païens : dans les prologue de son Edda et de la Heimskringla, Snorri « nous explique que les dieux ne sont que des hommes d’autrefois, des magiciens de préférence, qui ont été progressivement divinisés, Saxo Grammaticus ne dira rien d’autre, lui aussi ». Cette explication se retrouve dans d’autres textes comme la Saga des Troyens, mêlant l’origine pseudo-étymologique des Ases en Asie, au mythe des origines troyennes des peuples scandinaves (Troie étant en Asie mineure).

La foi scandinave, nommée par certains Ásatrú ou parfois Odinisme, a été reconstituée avec plus ou moins de succès, et certains pays acceptent désormais de la compter parmi les religions officielles. C’est le cas de l’Islande, la Norvège, la Suède, le Danemark ou l'Espagne.

Animaux

La plupart des dieux et déesses ont leurs animaux, et ces derniers possèdent un statut particulier dans les croyances.

Thor a deux boucs qui tirent son char Tanngrisnir et Tanngnjóstr (Dents grinçantes et Dents étincelantes). Il lui est arrivé d’être contraint de les manger, mais il prit soin de conserver les os pour les ressusciter.

Le chat était l’un des animaux favoris des Vikings. Il était d’usage d’offrir des chatons lors des mariages. Un auteur, Diana Paxson dans son roman Brisingamen a attribué les noms poétiques Tregul (Arbre d’or, ou jaune) et Bygul (Abeilles d’or, ou de miel) à des chats de Freyja. « Tendresse » et « Amour maternel » sont les chats de Freyja. Ils sont ailés, de grande taille, et ils tirent son char.

L’importance du cheval dans les textes fondateurs et les sagas mythologiques semble refléter la grande valeur qu’il possédait, comme l’attestent également les rituels liés à son sacrifice et à la consommation de sa viande, qui étaient censés apporter protection et fertilité tandis que ses ossements sont utilisés comme instruments de magie noire dans les sagas. La lutte contre les traditions et les rituels comme la consommation de viande de cheval fut un élément capital dans la christianisation des régions qui pratiquaient historiquement la religion nordique, comme la Germanie et l’Islande. Parmi les chevaux célébrés par les textes fondateurs figurent celui d’Odin, Sleipnir, qui possède huit jambes et peut voler. 

Les chiens bénéficient d’une grande estime comme animaux de compagnie ou de travail. Il est fréquent de retrouver ces compagnons dans des tombes, enterrés aux côtés de leurs maîtres. Le chien qui garde le royaume des morts se nomme Garmr ou Garm.

Hugin (la pensée) et Munin (la mémoire) sont deux corbeaux, messagers d’Odin, qui parcourent le monde et viennent murmurer à leur maître ce qu’ils ont vu et entendu.

Dans l’ancienne Germanie, comme chez les Gaulois, les guerriers se nourrissaient de loups pour acquérir ses qualités que sont la force, la rapidité et l’endurance. Ce rituel permettait de donner du courage aux combattants en les plaçant sous la protection des loups. Les Winnilis, nom d’un peuple de Germains signifie "les loups". Ils ne s’appelaient donc pas hommes mais loups. On retrouve le loup dans les textes fondateurs, où Odin possède les deux loups Geri et Freki (Vorace et violent), ainsi que le gigantesque loup Fenrir (« habitant des marais ») né de l’union de Loki et la géante Gerbauda.

L’ours possède une place très importante dans l’histoire des peuples germaniques et scandinaves à l’époque du paganisme nordique, admiré et vénéré pour sa force, son courage et son invincibilité, considéré comme le roi des animaux, il était l’attribut des puissants et l’objet de rituels ayant pour but de s’approprier ses pouvoirs. Il était également l’attribut des berserkir. Il était d’usage d’offrir un ourson aux rois. Ingimund l’ancien offrit un ours polaire au roi de Norvège vers l’an 900. Isleif, le premier évêque d’Islande, en offrit un à l’empereur d’Allemagne vers l’an 1050. Un conte en vieux norrois a pour titre « Auðunn et l’ours » (Auðunar þáttr vestfirzka).

Sæhrímnir est le sanglier consommé chaque nuit par les Einherjar dans la Valhöll. Il est ramené à la vie afin de servir à nouveau de repas le jour suivant. Hildisvíni(sanglier de la bataille) est la monture de Freyja lorsqu’elle n’est pas sur son char tiré par ses deux chats.Freyr possède également un verrat Gullinbursti (aux soies d’or) ou Slidrugtanni (aux défenses redoutables). Il court plus vite que n’importe quel cheval de jour comme de nuit, dans les airs et sur la mer et ses soies illuminent la nuit la plus sombre.

(Ressources Wikipédia)

Pdf la mythologie nordiquepdf-la-mythologie-nordique.pdf (280.62 Ko)

 

Catégories

  • Divinités nordiques

     

    Hof, le panthéon nordique n'est pas aussi figé que celui de la mythologie grecque, les nombreuses différences de traditions locales ne permettent pas de définir un rôle très précis aux dieux (nombreuses hypostases). Ce panthéon a en outre la particularité d'être constitué de deux familles de dieux, les Ases et les Vanes, vraisemblablement apparues à deux époques différentes et amalgamées au tout début de l'Antiquité nordique, avant le IIe siècle av. J.-C.. Les dieux les plus anciens, les Vanes, sont des dieux de la nature, de la fécondité et de la prospérité. Les Ases, plus récents, sont des divinités plus typiquement indo-européennes, et en cela plus proches des dieux gréco-romains, tel Hermód, associé à Hermès/Mercure, et Odin, parfois associé à Zeus/Jupiter. Certains dieux, primitivement majeurs, ont peu à peu été délaissés au profit d'autres, tel Týr, dieu associé à la guerre et à la justice, supplanté par Odin.

     

  • Folklore allemand

     

    Frau Holda

    Le folklore allemand partage plusieurs traits avec le folklore scandinave et le folklore anglais car il trouve comme eux son origine dans la mythologie germanique. Il affiche un mélange d'influences semblables :

    - un panthéon d'avant le christianisme côtoyant des êtres empruntés de la mythologie nordique,

    - des personnages magiques associés à des fêtes chrétiennes, 

    - différentes histoires locales.

    Comme en Scandinavie, quand les croyances dans les vieux dieux disparurent, des restes de la mythologie continuèrent d'exister :

    - Holda, protecteur surpuissant des tisserands, - la Lorelei, une dangereuse sirène vivant dans le Rhin (dérivé de la légende du Nibelung), - Berchta, esprit aussi connu sous le nom de Perchta, - la Dame blanche, un esprit des eaux qui protège les enfants, - la Chasse fantastique (elle est précédée par un vieil homme, Honest Eckart, qui avertit de son arrivée), - le géant Rübezahl, - des légendes de changeling, - diverses entités, tels les elfes, les nains, les kobold et les erlking.

    Le folklore populaire inclut :

    - Knecht Ruprecht, un compagnon bourru du Père Noël, - Lutzelfrau, un Yule sorcier qui doit être apaisé en lui donnant de petits cadeaux, - l’Osterhase (le premier lapin de Pâques), - Walpurgisnacht, un festival printanier qui trouve ses origines dans des coutumes païennes.

    Les personnages les plus connus du folklore allemand sont Le Joueur de flûte de Hamelin, Till l'espiègle, Les Musiciens de Brême et Faust.

    Thyl Ulenspiegel

    La documentation et la conservation du folklore des États qui ont formé l'Allemagne moderne à partir de 1871 est un effort qui a débuté aux XVIIIe et XIXe siècles. Le saxon Johann Karl August Musäus est l'un des premiers collectionneurs et l'étude est encouragée par le poète et philosophe prussien Johann Gottfried von Herder. Sa croyance que le folklore joue un rôle important dans le nationalisme ethnique a inspiré les frères Grimm et Goethe. Par exemple, des éléments du folklore allemand, telles les sirènes du Rhin et Conte de celui qui s'en alla pour connaître la peur des frères Grimm, servent de matériau à Richard Wagner pour créer Der Ring des Nibelungen.

    Quelques contes de Washington Irving (dont Rip Van Winkle et Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête) prennent racine dans le folklore allemand.

    (En Allemagne, ce folklore a été repris par le nazisme (malheureusement) pour alimenter la ferveur nationaliste. L'étude du folklore (la Volkskunde) a servi les buts politiques du régime, lequel a modifié les traditions pour supporter les vues de l'aryanisme. Le folklore antisémite a aussi servi les buts du régime (par exemple, la légende de l'accusation de sang).

    Le folklore allemand connaît également beaucoup de croyances liées à des chevaux. L'une d'elles est celle du Wunschpferd, « le cheval répondant à un désir », qui apparaît lorsqu'un voyageur souhaiterait se déplacer plus vite et le met chaque fois en danger de mort. Un filet permet de se prémunir du danger. Cette légende semble issue du souvenir de pratiques chamaniques.

     

    (Ressources Wikipédia)

  • Folklore scandinave

     

    Le folklore scandinave est l'ensemble des traditions folkloriques de la Suède, la Norvège, du Danemark, de l'Islande, des îles Féroé, et des régions de Finlande où l'on parle le suédois.

    Nisse ou Tomte

    En Scandinavie, le terme de « folklore » n'est pas souvent utilisé dans les milieux universitaires, et sont plutôt usités des termes tels que Folketro (croyance populaire) ou Folkesagn (contes populaires). Dans le langage courant, on parle simplement de Den Gamle tro (la vieille croyance), ou peut-être de Sæd og brug Skik (la voie).

    Le folklore scandinave a évolué à partir du paganisme nordique. La christianisation de la Scandinavie au cours du Xe siècle a signifié la fin progressive du paganisme nordique en tant que religion. Le processus n'a pas dû être très rapide puisque les croyances ont perduré chez le peuple. Bien que l'Islande et les îles Féroé ne soient pas considérées comme faisant partie de la Scandinavie en termes géographiques, ils le sont en termes folkloriques. Le folklore et la religion de Finlande et du peuple sami sont bien évidemment liés au folklore et à la religion scandinaves, mais ont conservé un caractère indépendant. En raison de son origine germanique commune, le folklore scandinave montre une abondante correspondance avec d'autres folklores, comme en Angleterre et en Allemagne entre autres. Les croyances qui ont survécu peuvent être trouvées dans les pays baltes.

    Dans le folklore scandinave, la croyance en les dieux anciens existe toujours, mais pas dans la forme qu'ils avaient selon la mythologie nordique. Quelques-uns des plus connus sont Odin qui est censé mener la chasse sauvage; Thor, qui poursuit toujours les trolls avec son tonnerre, et nous voyons aussi Ull et Hœnir dans ce rôle. Loki et parfois Freyja sont représentés. Un grand nombre de créatures et de personnages mythologiques continuent à perdurer, étonnamment peu affectées par les croyances chrétiennes, même s'ils ont été associés au Diable et rencontré divers problèmes avec les symboles chrétiens. Ainsi, la croyance selon laquelle il est possible d'effrayer ces êtres avec un objet en fer ou en acier, tel qu'une paire de ciseaux placés stratégiquement, ou un couteau, ou avec du sel et du feu, est d'origine chrétienne. Les histoires sur les actes de ces êtres et leurs interactions avec les humains constituent la majeure partie du folklore scandinave. Même les tomtes utiles, les Nisse, gårdbo ou gårdbuk pourraient se transformer en adversaires redoutables s'ils ne sont pas traités avec prudence et respect.

     

  • Hof, Hörgr, Vé ?

     

    : Convoie l'idée de sacré actif, de pratique cultuelle (voyez l'allemand actuel Weihnacht, "Noël", ou Weihgabe, "offrande"). Régis Boyer. Se rapporter à son excellent dictionnaire ci-dessous et page 829 à propos des Temples.

    Le Hof : (panthéon) nordique n'est pas aussi figé que celui de la mythologie grecque, les nombreuses différences de traditions locales ne permettent pas de définir un rôle très précis aux dieux (nombreuses hypostases). Ce panthéon a en outre la particularité d'être constitué de deux familles de dieux, les Ases et les Vanes, vraisemblablement apparues à deux époques différentes et amalgamées au tout début de l'Antiquité nordique, avant le iie siècle av. J.-C.. Les dieux les plus anciens, les Vanes, sont des dieux de la nature, de la fécondité et de la prospérité. Les Ases, plus récents, sont des divinités plus typiquement indo-européennes, et en cela plus proches des dieux gréco-romains, tel Hermód, associé à Hermès/Mercure, et Odin, parfois associé à Zeus/Jupiter. Certains dieux, primitivement majeurs, ont peu à peu été délaissés au profit d'autres, tel Týr, dieu associé à la guerre et à la justice, supplanté par Odin.

    Le Hörgr : Un hörgr (vieux norrois, pluriel hörgar) ou hearg (vieil anglais) est un type autel site ou culte, pouvant être constitué d'un tas de pierres, utilisé dans le paganisme nordique, par opposition à une salle couverte utilisée comme un temple (Hof). The Old Norse terme est attesté à la fois dans l'Edda poétique et de l'Edda en prose, dans les sagas islandaises, la poésie scaldique, son apparenté vieil anglais dans Beowulf. Le mot se reflète également dans divers noms de lieux (dans les toponymes anglais comme herse), souvent en relation avec les divinités germaniques. Vieux norrois hǫrgr «autel, sanctuaire», vieil anglais de "sainte Grove; temple, idole». ancien haut allemand harug continuent un proto-germanique * harugaz,peut-être apparenté avec celtique insulaire carrac "falaise". Le terme hörgr est utilisé à trois reprises dans les poèmes recueillis dans l'Edda poétique. Dans une strophe au début du poème Völuspá, la völva dit que tôt dans le calendrier mythologique, les dieux se sont réunis à l'endroit de Iðavöllr et construit un hörgr et un Hof.

     

    Ci-dessous un document intéressant mais en anglais

    Hof horgr vehof-horgr-ve.pdf (426.05 Ko)

  • La Mort dans le monde Germanique

     

     

     

     

    Cahiers slaves n°3 : La mort et ses représentations
    (monde slave et Europe du Nord)

     

    la vie [lif],

     neutre pris comme substantif féminin

    la mort [daudi],

     substantif masculin : 

    comment justifier ces genres grammaticaux ?

     

     Régis Boyer

     

    Pris dans une acception strictement normative, mon titre n’est pas correct. Le terme vieux norois lif est neutre, non pas féminin ni masculin, alors que daudi : la mort est bien masculin. Pour citer les dictionnaires, on a : their vilja ekki fyrir lif sitt fra hverfa, “ ils n’abandonneront pas, y irait-il de leur vie ” (lif sitt, le neutre est clair) ou : at sva fagrt lif skyldi thann veg kveljast : “ dire qu’un si bel homme [une si belle vie, dit le texte fagrt lif, notez le -t du neutre !] ait dû être torturé de la sorte ! ”

    Or deux textes eddiques, les Vafthrudnismal de l’Edda poétique, strophe 45, repris par la Gylfaginning, dans l’Edda en prose, chapitre 53, lorsqu’ils nous dépeignent en termes dantesques les Ragnarök(la fin des temps si l’on veut, en fait la Consommation-du-destin-des-Puissances-suprêmes), nous disent, après avoir décrit le grand cataclysme universel qui marquera la fin de l’Histoire, que, contrairement à ce que nous pourrions penser, ce terme n’a rien d’absolu. Au contraire : miraculeusement préservé au pied du grand arbre cosmique Yggdrasill, un couple humain a survécu, qui fondera une humanité nouvelle dans un univers régénéré, sous les auspices des dieux “ bons ”, Baldr et autres. Et ce couple est nommé : lui s’appelle Lifthrasir (approximativement : ardent-de-vivre, Vie tenace) et elle, Lif, vie, donc, mais d’évidence au féminin. Voici la strophe en question :

     Lif og Lifthrasir,                            Vie et Ardent-de-vivre,

     Thau leynaz muno                        Mais ils devront se cacher

     i holti Hoddmimi ;                         Dans le bois de Hoddmimir ;[1]

     morgindöggvar                              La rosée du matin,

     thau sér at mat hafa,                     Ils auront comme nourriture ;           

     thadan af aldir alaz.                       De là naîtront les générations.

     

     Il y a donc eu là une distorsion grammaticale avec appropriation à des fins conscientes, ce neutre devenant féminin pour les besoins de la cause. Et c’est ce point qui fait problème — qui justifie aussi les quelques réflexions que voici.

    Une remarque grammaticale importante, d’abord. En vieux norois, la conjonction du masculin et du féminin n’aboutit pas, comme en français, à un masculin (Jean et Marie sont gentils) mais à un neutre, lequel, donc, englobe les deux autres genres dans cette langue qui en connaît trois (masculin, féminin et neutre). Their étant le pronom personnel masculin pluriel (“ ils ”) et thær, le féminin pluriel (“ elles ”), their + thær = thau qui est le pronom personnel neutre pluriel (donc sans équivalent en français). Pour donner un exemple banal selon une pratique tout à fait courante en islandais, qui consiste à reprendre deux sujets coordonnés par un pronom personnel global, on a : Sigrun (prénom féminin) og Sigurdur (prénom masculin), thau fara til Islands, Sigrun et Sigurdur, “ ils ” vont en Islande, mais ce “ ils ” est un neutre.

    D’où il suit que si lif est normalement neutre, c’est que ce vocable englobe masculin et féminin ! La question est en conséquence de savoir pourquoi, dans les textes cités en référence, lif a été “ féminisé ”, alors que l’on n’a pas d’exemple, que je sache, d’une utilisation de daudila mort, au féminin comme en français.

    Une dernière observation : quelles que soient leurs origines — qui peuvent être assez lointaines, à l’échelle de la culture envisagée —, tous les textes de l’Edda, dans l’état où nous en disposons, ont été rédigés en pleine époque chrétienne (XIIe et XIIIe siècles), par des auteurs qui étaient des clercs ou des intellectuels formés à l’école chrétienne — et donc tout imprégnés de culture cléricale, notamment biblique.

    On partira d’une évidence : la religion scandinave ancienne, dans la mesure où nous pensons la connaître, a très certainement débuté par un culte de la Déesse-Mère ou Grande Déesse[2]. Que cette figure ait été tout à fait fondamentale, cela ressort d’une étude des plus anciens témoins dont nous disposions, archéologiques ou figurés, comme les célèbres pétroglyphes de l’âge du bronze (scandinave, soit entre 1800 et 400 avant Jésus-Christ) qui proposent d’innombrables figurations vulvaires ou oculaires que la recherche n’a nulle peine à caractériser. L’incontestable existence de la Grande Déesse rend compte d’un très grand nombre de traits, en soi surprenants pour quiconque tient que nous sommes, avec la Germania, en domaine viriliste[3], de cette “ religion ” : par exemple, le nombre vraiment remarquable de déités féminines que recensent les mythographes du Moyen Âge (notamment Snorri Sturluson, l’auteur de l’Edda en prose évoquée plus haut) et surtout l’existence, au tout premier plan dans un panthéon fort diversifié d’autre part, de trois déesses qui se trouvent assumer, sans sollicitations abusives, les trois faces que l’on se plaît à reconnaître à la Grande Déesse dans sa globalité, soit Freyja, la Femme-amante-sexe, Frigg, la Femme-épouse-mère et Skadi, la Femme-amante-mort (en vertu du principe classé qui veut que celle qui donne la vie est aussi celle qui préside à la mort car, de la sorte, elle reprend son bien).

    Freyja, Frigg et Skadi cernent toutes les faces de l’idée de Déesse-Mère, les “ spécialisations ” qui viennent d’être énoncées étant sans doute un peu plus récentes. Un peu plus seulement, car ces trois figures sont certainement anciennes : Freyja est attestée (elle ou son parèdre Freyr) abondamment par la toponymie dans toute la Scandinavie, Frigg est la seule entité divine à avoir été connue et révérée de toute la Germania et Skadi est probablement responsable du mot Scandinavie lui-même (ou d’un homologue proche comme Skaney qui donnera le moderne Scanie, suédois Skåne), que l’on peut entendre comme*Skadin- auja : ou bien l’île (ey) de Skadi[4], ou bien le territoire qui aurait bénéficié de la chance tutélaire (ey également, ce n’est pas le même mot que précédemment[5]) de la même Skadi. Et l’on voudra bien noter tout de suite que le vocable skadi, en soi, est masculin.

    Toutes sortes de mythes dont le détail nous entraînerait trop loin ici s’imposent à l’esprit. Par exemple, Freyja a certainement été un jour la grande-prêtresse (gydja) de cette religion. D’une part, il est vraisemblable que les opérations cultuelles par lesquelles se connaissait, de préférence, sinon exclusivement, cette “ religion ” étaient assurées non par des hommes, mais par des femmes (gydjur, hofgydjur) qui portaient, en signe de leurs prérogatives, un imposant collier : un petit “ dit ” médiéval, le Sörla thattr[6], raffine à loisir et nomme ledit collier, Brisingamen, terme dont l’étymologie n’est pas assurée ; d’autre part, un autre poème eddique, le Hyndluljod, nous montre bien Freyja dans l’exercice de fonctions nécromanciennes à des fins généalogiques qui renvoient à des pratiques bien connues d’autre part. Pour Frigg, elle préside fort activement au mythe de la mort de Baldr dans ses deux phases successives ; c’est elle qui paie de sa personne pour arracher son fils à l’emprise de Hel, maîtresse du royaume des morts (et certainement hypostase de Skadi) ; elle assume donc pleinement ses fonctions de mère, rôle qu’elle retrouve dans la prose liminaire aux Grimnismal, toujours dans l’Edda poétique[7]. Quant à Skadi, elle atteint des dimensions proprement cosmiques dans le mythe fort élaboré de la mort de son père, le géant Thjazi dont les yeux sont transformés en étoiles, rôle que, d’ailleurs, ne néglige pas Freyja non plus quand elle accepte de passer une nuit avec chacun des quatre nains qui figurent les points cardinaux (ils sont appelés Nord, Sud, Est et Ouest) pour obtenir le collier Brisingamen déjà nommé.

    L’idée qui me préoccupe ici, c’est que cette Grande Déesse primordiale, qui a donc donné lieu à des individualisations et anthropomorphisations claires sous les espèces des trois figures qui viennent d’être nommées, doit avoir connu une première expression, un archétype si l’on veut, qui serait Sol, le soleil, terme qui est au féminin dans ces langues (la Soleil, donc, Solin), alors que notre “ lune ”, Mani, est au masculin : Mani n’est, au demeurant, peut-être qu’une personnification récente puisque le “ vrai ” vocable qui s’applique à notre satellite serait tungl qui est neutre ! On le voit : je ne cesse d’évoluer entre les ambiguïtés sexuelles dans cette thématique, elles justifient le propos que je suggère dans ce petit essai ! Car pour revenir à Sol-soleil (qui figurera en tant que tel[le] dans l’Edda de Snorri), une fois encore, on prendra garde au fait que l’astre du jour n’est jamais considéré comme une force dure, implacable, voire destructrice comme dans d’autres panthéons — je songe à l’égyptien —, elle est toujours bienveillante, objet d’affection et hautement bienvenue, chose bien compréhensible si l’on se rappelle sous quelles latitudes est née cette religion.

    Reprenons le débat sous un autre angle en faisant une nouvelle constatation : la Déesse-Mère nous est donnée, partout, pour hermaphrodite ou androgyne[8]. Le domaine, ici, est particulièrement riche. Quelques incursions suffiront. Ainsi, le mythe veut que le monde ait été créé à partir des parties du corps d’un géant primordial, Ymir (équivalent du sanskrit Yama dont le nom signifie littéralement “ jumeau ” ou “ double ”) qui incarne littéralement la totalité de la réalité visible. Ou encore : cet univers divin est tout plein de figurations de Dioscures, à commencer par le couple jumeau Freyja-Freyr tellement identiques l’un à l’autre, tellement interchangeables que la toponymie ne permet pas toujours de distinguer auquel des deux tel lieu sacré (Frøytuna, Frøyshof) fut consacré. Une entité obscure, Fjörgyn(n), présent(e) dans plusieurs sources, nous est donné(e) tantôt pour un homme (il est alors l’amant de Frigg), tantôt pour une femme (elle est alors la mère du dieu Thorr), son nom, en tout état de cause, signifiant “ qui favorise la vie ”. Il y a même des exemples de semi-laïcisations de cette idée avec des créatures surnaturelles comme Herfjötur qui, si on la donne au féminin (avec un seul -r final), est une valkyrie qui “ enchaîne ” ses victimes et les voue donc à la mort sur le champ de bataille et qui, si on le prend au masculin (avec deux -rr terminaux), s’applique à un phénomène banal : la paralysie qui saisit un être humain au moment où il importerait de toute urgence qu’il passât à l’action et qui, en conséquence, le mène au trépas. Et comme je viens de parler de valkyries, je me suis toujours demandé s’il ne conviendrait pas de ne faire qu’une seule entité du couplevalkyrja-einheri, ce dernier vocable s’appliquant à l’homme, le combattant, que la valkyrie, exécutrice des arrêts d’Odinn, voue à la mort pour qu’il aille peupler la Valhöll (Walhalla) en vue du combat final des Ragnarök. Valkyrja et einheri seraient, en un sens, la même idée “ sexualisée ” appliquée au (à la) mort fatidique nécessaire à la consommation du destin des Puissances.

    Ou bien parlons un instant des vanes, vanir, cette “ famille ” de dieux expressément chargés d’assumer la troisième fonction dumézilienne, celle de la fertilité-fécondité[9]. Le moins que l’on puisse avancer est qu’ils sont, si j’ose dire, de sexe incertain. Le principal de ces dieux nous est donné, dans nos sources islandaises, pour un dieu, Njördr, mais Tacite, dans sa Germania, le tient pour une déesse, Nerthus (vocable dont la philologie n’a nulle peine à établir qu’il est strictement le même que Njördr, évolution phonétique aidant), avec le commentaire éloquent suivant : Nerthus, id est Terra Mater[10]. Njördr a épousé Skadi, dont nous avons vu que c’était un substantif de genre masculin, et les enfants de ce couple (peut-être) sont ces jumeaux Freyr et Freyja dont on a dit que leurs prérogatives ne sont pas bien différenciées. Curieuse image, n’est-ce pas, que celle que donne cette religion où l’on ne sait jamais avec certitude si l’on a affaire à “ un ” dieu ou à “ une ” déesse !

    Et puis pensons à Loki, de loin la plus énigmatique des figures de ce panthéon. Il est masculin, un mythe passablement scabreux nous parle de ses testicules dans un contexte notoirement bizarre, lorsqu’il entreprend — et y parvient — de dérider Skadi courroucée par la mort de son père. Les accusations complaisantes qu’il prodigue à ses confrères ou consœurs dans la Lokasenna (dans l’Edda poétique) ressortissent au registre que nous dirions gaulois et émaneraient difficilement d’une femme ! Or Loki, dans le mythe de la construction de la demeure des dieux, Asgardr, se métamorphose en jument qui se fait engrosser par le cheval merveilleux Svadilfari au service du géant bâtisseur, et donnera naissance au cheval fantastique Sleipnir, future monture d’Odinn. Ailleurs, dans l’histoire de la mort de Baldr et de ses conséquences, Loki se transforme, à deux reprises, en créature féminine : il (elle ?) est responsable de l’échec des tentatives que fait Frigg pour faire revenir son fils du monde de Hel.

    Et je ne parlerai qu’en passant de l’étrange héros, parangon s’il en fut jamais, qu’est Sigurdr (Siegfried), qui ne fait rien d’“ héroïque ” à nos yeux modernes[11] mais qui vit en étroite collusion avec des femmes, Brynhildr, Gudrun, qui, elles, assument les valeurs qu’il faudrait dire viriles. Il est vrai que son archétype possible, Helgi, dont le nom signifie exactement “ sacré ”, ne se conçoit pas davantage sans les indispensables valkyries[12] qui l’assistent sous ses trois figurations successives, selon nos textes (dans Helgakvida Hundingsbana I et II et dans Helgakvida Hjörvardssonar, tous dans l’Edda poétique).

    Un dernier point : nous avons dit que daudinn (masculin) rendait l’idée de “ la mort ”. Ce dernier terme, toutefois, est mieux documenté sous les espèces de hel (qui a une triple connotation : la mort tout court, expression : thykkir ekki betra lif en hel, “ ne pas trouver meilleure la vie que la mort ” ; puis Hel, la déesse, déjà nommée, qui préside au monde des morts ; enfin Hel, ce monde des morts lui-même) qui est décidément féminin.

    Ces ambivalences, ambiguïtés, interférences, etc., me conduisent à une réflexion d’un autre type encore. Il est clair, surtout si l’on n’oublie pas que, comme je l’ai déjà noté, la religion nordique ancienne telle que nous pouvons la connaître par des sources qui ne remontent guère plus loin que le XIIe siècle, ne représente certainement que le dernier stade d’une réalité bien autrement ancienne, a subi des transformations, une évolution sur le compte de laquelle nous sommes, par force, très mal informés. D’évidence, les chasseurs-pêcheurs-cueilleurs qui ont été les premiers habitants de la Scandinavie, voire de la Germania dans son ensemble, pratiquaient d’autres rites et professaient des croyances différentes de ce que nous savons. Mais les preuves nous font défaut, qui nous permettraient de reconstituer un état disons archaïque de cette “ religion ”. La notion de substrat autochtone que sont venus recouvrir les Indo-Européens, trois à quatre millénaires avant notre ère, demeure énigmatique. Mais il paraît assuré que deux strates, au moins, se sont superposées pour donner naissance à ce que décrivent à leur façon Snorri Sturluson l’Islandais ou Saxo Grammaticus le Danois (dans les Gesta Danorum), sans compter l’apport chrétien déjà évoqué ici.

    Je suis de ceux qui pensent que l’irruption du phénomène indo-européen, incontestable en tout état de cause (les brillantes études de Georges Dumézil ne me paraissent pas souffrir contestation en l’occurrence), aura signifié l’entrée en scène de valeurs dites viriles ou masculinistes qui n’étaient pas de mise aux temps préhistoriques nordiques. Par exemple, il ne me paraît pas douteux que l’étonnante prééminence de la magie dans une religion que l’on s’obstine à dire martiale ne ressortit pas à l’indo-européen, tant s’en faut[13]. Qu’il se soit produit un changement radical d’orientation avec l’apport indo-européen, avec la prédominance éventuelle de valeurs dites guerrières, l’entrée en scène d’idéaux de type agonistique, toutes ces idées que l’on ne s’est que trop complu à mettre sous la notion de “ Germain ”, c’est ce dont je suis assuré. Et que, là comme dans d’autres domaines également indo-européens (je songe aux Celtes, par exemple), une vision de la vie, de l’homme et du monde se soit imposée qui n’avait que très peu de chose à voir avec l’ancien état des choses, c’est, à mes yeux, une quasi-certitude. En fait, pour l’observateur attentif qui ne tient pas à solliciter ses textes dans un sens préconçu, tout est double dans le monde nordique ancien. La démonstration globale en serait trop longue ici, il va sans dire, mais les dichotomies sont tellement nombreuses, tellement profondes aussi qu’il est à peu près impossible de proposer une vue d’ensemble monolithique de l’univers religieux que nous cherchons à appréhender. Les pages qui précèdent ont établi, j’imagine, à quel point nous évoluons dans des incertitudes, des confusions troublantes. Et ce thème assurément central de la vie et de la mort est précisément de ceux qui nourrissent la perplexité.

    Car enfin, je parle de féminin et de masculin — et de neutre ! Mais au stade des survivances comme inexpugnables, de celles qui retentissent dans le menu détail de la vie quotidienne, des pratiques sans âge, des us et coutumes impossibles à dater, que de surprenantes découvertes !

    Ainsi, je remontais à la Grande Déesse ou Déesse Mère ou Terre-Mère (pour faire plaisir à Tacite, j’ai préféré Soleil-Mère en dépit de l’onomastique) : nous avons déjà entrevu l’étonnante profusion de créatures surnaturelles de sexe féminin dans la religion scandinave ancienne, non seulement au niveau des dieux ou entités divines, mais aussi à celui de ces innombrables figurations plus ou moins fatidiques que sont les fylgjurhamingjurdisirnornirvalkyrjur, etc. : il est remarquable que, le Destin jouant, on le sait, un rôle capital dans l’idée que les anciens Scandinaves se faisaient du sacré[14], les très nombreux vocables qui s’appliquent à le cerner soient à peu près tous des substantifs féminins, comme audnaheill (qui est indifféremment neutre ou féminin, notons ce point, mais jamais masculin), giptagæfa, neutres à la rigueur (comme happforlög et son pendant ørlög). Sera-t-on surpris de voir — c’est l’un des thèmes chéris de nos féministes actuelles — l’importance du rôle que tient, dans la vie courante, la femme au Moyen Âge scandinave, la husfreyja (remarquez la présence lexicalisée de Freyja dans ce mot), véritable âme de sa maison, de son clan et de cette civilisation ? Constatez aussi qu’un mythe en soi inattendu, celui qui nous rapporte de quelle façon le dieu Thorr, pourtant détenteur d’attributs bien virils (son “ marteau ”, sa ceinture de force, ses mitaines d’invulnérabilité) s’est fait voler son marteau : pour le récupérer, et sur les instigations — ce n’est pas un hasard — de Loki, il se déguise en femme (en “ mariée ” en fait) afin de le récupérer. Je ne m’abuse pas sur les nombreuses interprétations possibles de cette histoire (qui nous est contée avec une truculence retenue par la Thrymskvida de l’Edda poétique) non plus que sur ses valeurs de mimodrame ou de grosse farce : il n’empêche qu’il se rend au royaume des géants qui est une claire figure de l’Autre Monde et que c’est sous les dehors d’une femme qu’il triomphe de la double transgression dont il a été victime ! Parlons encore, puisque nous en sommes à proposer toutes sortes de réflexions sur un sujet extrêmement vaste que le présent petit essai ne prétend pas épuiser, de l’un des dieux les plus mystérieux de ce panthéon, Ullr (qui correspond assez bien au slave Volos), ancien *Uulthuz, qui est littéralement la splendeur du soleil diurne et pourrait remonter, à ce titre, bien entendu, à l’indo-européen, mais qui me paraît bien plus ancien : il reprend à son compte, sans doute, les attributs de cette Sol que j’ai tant présentée ici. Les rares mentions qui sont faites de lui laissent entendre qu’il dut être omnipotens à l’aube des temps, il est resté otiosus à l’époque littéraire, mais il est senti comme fondamental...

    Et puis, nous avons beaucoup navigué (Vikings obligent !) sur les eaux agitées de la linguistique et le lecteur aura dû noter que, si j’ai abondamment parlé de vie, je n’ai guère éprouvé le besoin de broder sur le thème de “ mort ” : daudi est résolument masculin, il n’y a pas moyen d’alléguer, comme je l’ai pu faire pour “ vie ” et ses innombrables affabulations, des figurations ou mythes ambigus. Mais tout de même : le substantif daudi oscille entre une forme forte, qui, par conséquent, serait ancienne, et une forme faible, plus récente vraisemblablement. Lui non plus, ainsi, n’a pas un statut bien fixé. Mais masculin, il l’est, en tout état de cause ! Faudrait-il en conclure que la masculinisation et l’idée de mort vont de pair ? Le mort (c’est-à-dire, pour nous Français, la mort) mais la vie. Cette possible masculinisation appelle évidemment un parallèle du même type que pour vie et soleil : mort et lune puisque le lune il y a. Snorri Sturluson se donne des peines inouïes, lui qui, d’ordinaire, est si clair, pour proposer, images zodiacales aidant, des “ explications ” mythiques justifiant, en quelque sorte, le vocabulaire[15]. Mais je reviendrais volontiers, pour ma part, à l’indo-européen. Si la vie féminine remonte sans le moindre doute, à mes yeux, aux temps les plus reculés, l’idée de mort au masculin, de prédominance du mâle donneur de mort est, assez logiquement, plus récente.

    Ensuite, il y aura la christianisation, qui intervient, rappelons-le, vers l’an mille officiellement dans toute la Scandinavie, même s’il est évident que les relations entre Vikings (et leurs ancêtres) et Occidentaux chrétiens remontent à bien plus avant. Ce passage officiel, je l’ai déjà dit, est responsable et de l’écriture islandaise, et, cela va de soi, des modèles — bibliques — qui ont été proposés par l’Église à ces “ intellectuels ” nés que furent les Islandais.

    Rappelons une dernière fois le schème chronologique que j’ai suivi : une première strate, archaïque, qui paraît orientée vers les valeurs végétatives et la magie ; une strate indo-européenne, celle-là très visible et propice à tous les parallèles ; et nous voici à la troisième, la chrétienne, qui est la plus importante, en surface, puisque les auteurs dont nous exploitons les ouvrages sont de bons chrétiens qui connaissent leurs textes bibliques admirablement, semble-t-il. Dans le premier temps, la valeur suprême est la vie, au neutre entendu comme globalisation des “ genres ” grammaticaux. Dans le second, avec l’irruption de nouvelles idées et figures, si la vie tend à rester au neutre, la mort s’avance au premier plan et l’emporte, au masculin. Reste la troisième, la chrétienne, décisive pour nous.

    C’est le moment de rappeler qu’Eva, l’Ève biblique, la première femme selon le mythe, porte un nom qui signifie “ vie ”. Je ne doute pas que cette représentation ait pu désarçonner des Islandais habitués de toujours à tenir la vie pour une valeur globale, indifférente aux caractérisations sexualisées. Il n’empêche que le magistère chrétien, dont il est parfaitement clair qu’il se sera imposé de toutes les façons aux Scandinaves responsables des écrits que nous suivons par nécessité, non seulement ne tolérait pas, ici comme ailleurs, les incursions dites païennes, mais a cherché à les éradiquer de toutes les façons et jusque dans le détail : on voit, par exemple, un évêque, Jon Ögmundarson, s’opposer à des pratiques, en soi relativement innocentes (il s’agit des dansar, ces chants dansés sur des motifs peut-être anciens) tandis que son confrère, Thorlakr Thorhallsson, se fait le défenseur de la réforme grégorienne et lutte contre des pratiques bien établies, même au sein de la chrétienté, comme le mariage des prêtres. Ce qui paraît établi, c’est que l’Église, ne pouvant déraciner, sans doute, des pratiques et des croyances comme immémoriales, a tout fait pour “ christianiser ” force figures divines ou mythes. C’est ainsi que Baldr prend des traits christiques alors que d’autres sources nous le donnent pour un guerrier à l’ancienne ou que la Vierge Marie “ récupère ” à son avantage des caractères latents chez les figures de déesses que nous avons présentées ici. Semblablement, si certains mythes, comme celui qui nous est présenté par la Skirnisför (dans l’Edda poétique) ont bien résisté, d’autres, comme celui des Ragnarök, nous renvoient aux Apocalypses chrétiennes.

    Que lif, qui était neutre et, à ce titre, comme on l’a vu, englobait masculin et féminin, soit devenue féminine pour figurer dans le couple primitif à partir duquel l’humanité “ sauvée ” pourra revivre, cela me paraît une déteinte chrétienne claire. Mais l’adaptation impliquait, d’évidence, un appauvrissement par sexualisation à la moderne, dirons-nous. De même, le personnage de Lifthrasir, que nous avons vu accolé à Lif et qui ne figure strictement que dans le poème mentionné[16] répondait, à sa façon, à l’idée bien chrétienne de vouloir-vivre selon la thématique de l’Espérance. Il en va de même de l’idée de Hel (avec ou sans majuscule) qui aura été visiblement adaptée pour satisfaire à l’imagerie chrétienne de l’Enfer. Il y avait pourtant, dans la notion de daudi, mort au masculin, des connotations qui contrariaient la symbolique de la Déesse-Mère mais qui, en somme, ne gênaient pas le système de représentations du christianisme. Admettons que le thème de la mort au féminin n’ait pas été naturel à l’idiosyncrasie nordique antique puisqu’encore une fois, celle-ci ne faisait pas de différence réelle entre vie et mort, laquelle ne signifiait qu’un changement d’état, non la solution radicale de continuité qu’envisageait le christianisme. Sans trop développer[17] : les deux règnes ne se distinguaient pas, le vivant pouvant à tout moment solliciter le mort à des fins d’information, par exemple, ou de propitiation, le mort revenant[18] — au sens littéral de ce terme — à volonté rendre visite au vivant à toutes sortes de fins, de l’information pure à l’admonition. Il est remarquable, d’ailleurs, que ce personnage de revenant, quasi banal dans les sagas, soit toujours un homme, jamais une femme. Je me demande, au demeurant, si cette masculinisation ne correspond pas à une inviscération, une insertion dans la temporalité, cette dernière notion paraissant étrangère à la mentalité que nous étudions ici : il suffit de relire le joyau de l’Edda poétique, le poème visionnaire Völuspa où la Voyante retrace en images fulgurantes dantesques l’histoire mythique du monde, des dieux et des hommes. Elle jongle avec les temps grammaticaux dans une maladresse (pour nous, Français d’aujourd’hui) et une désinvolture qui témoignent de l’étrangeté de la notion pour l’auteur de ce poème. Or la temporalité ressortit directement à une vision eschatologique chrétienne qui ne semble pas familière au génie nordique antique. Que l’étrangeté de cette représentation ait appelé, comme par définition, un bouleversement des catégories grammaticales masculin/féminin, cela peut être tenu pour normal, en un sens.

    Mais la vie, en vieux norois, n’a cure de ces distinctions. Elle englobe tout, elle transcende les visions, quelles que soient leurs origines, elle est grammaticalement neutre, c’est-à-dire métaphysiquement globale.

    NOTES


    [1] Hoddmimir est “ le bois de Hoddmimir ”, c’est-à-dire du Mimir au trésor, soit Yggdrasill au pied duquel se trouve la source de science, “ trésor ” de Mimir, qui personnifie la Mémoire.

    [2] Là-dessus : R. Boyer, La Grande Déesse du Nord, Paris, Berg International, 1995.

    [3] On sait que c’est là l’une des erreurs les plus courantes qui courent sur le sujet.

    [4] Le -n- étant là pour éviter un hiatus ou à des fins épenthétiques. On sait que toute l’Antiquité a tenu la Scandinavie pour une île, Skandzia insula des Anciens. On doit à la justice de remarquer aussi queskadi qui peut signifier “ danger ”, “ péril ” renverrait aussi à “ l’île des périls ”, puisque nous savons que le Belt et le Sund ont toujours été des passages particulièrement dangereux pour la navigation.

    [5] Il est déjà archaïque à l’époque littéraire, il figure notamment dans un passage du Livre de colonisation de l’Islande, mais ce n’est tout de même pas un hapax.

    [6] Traduction dans : Les sagas-miniatures, Paris, Les Belles Lettres, 1999 ou dans Hugur, mélanges offerts à Régis Boyer, Paris, PUPS, 1997, texte français dû à Olivier Gouchet.

    [7] Elle y décide son époux, Odinn, à adopter ses protégés à elle, les Uinniles, futurs Lombards.

    [8] Là-dessus, un aperçu dans : “ Quelques réflexions sur le motif de l’androgyne chez les anciens Scandinaves ” in Cahiers Internationaux du Symbolisme, n° 77-78-79, 1994, p. 187-201.

    [9] Ils s’opposent, on se le rappelle, aux Ases (Æsir) qui seraient plutôt des divinités de l’intelligence, du droit et du combat.

    [10] Germania, XL, 2.

    [11] Là-dessus, le long essai liminaire dans La Saga de Sigurdr ou la parole donnée, Paris, Cerf, 1989.

    [12] Elles s’appellent Sigrun (idée de : “qui possède le secret de la victoire”), Svava (idée de : “qui endort par magie”) et de Kara (plus “féminin”, le mot pourrait renvoyer à l’idée de frisée, crépue).

    [13] J’en ai tenté la synthèse dans Le monde du double. La magie chez les anciens Scandinaves, Paris, Berg International, 1986. D’autre part, j’aurai passé mon temps à plaider pour que l’on ne confonde pas les anciens Scandinaves, non plus que les Vikings, avec les hordes du Troisième Reich.

    [14] Étude détaillée dans l’essai liminaire qui figure dans L’Edda poétique, 2e éd., Paris, Fayard, 1992.

    [15] J’ai risqué une interprétation de ce mythe très évolué dans : “ Naissances astrales. Mythes cosmogoniques de la Scandinavie ancienne ”, Mediævistik, 1988, 1, p. 9-22.

    [16] Signalons par souci d’honnêteté qu’il existe, dans un autre manuscrit du même texte, sous la forme Leifthrasir : qui est ardent à maintenir l’héritage, le patrimoine si l’on veut — mais la nuance est mince car cet héritage est précisément la vie dont il est aussi le propagateur.

    [17] Le thème a été traité en détail dans : La mort chez les anciens Scandinaves, Paris, Les Belles Lettres, 1994.

    [18] Il s’agit du fameux draugr, ce mort-mal-mort qui hante littéralement les sagas et, plus près de nous, les contes populaires islandais. Voyez le personnage, par exemple, de Glamr dans la Saga de Grettir. Bonne étude de Claude Lecouteux : Fantômes et revenants au Moyen Âge, Paris, Imago, 1986.


     

  • Voisins "merveilleux"

     

    Lecouteux

    Claude Lecouteux.

    Quelques ouvrages dans "Livres de Référence"

    Il était une fois des créatures fantastiques sur lesquelles on croit tout savoir, et même si elles portent bien des noms, on les appelle les nains. Ils ont inspiré non seulement les écrivains comme Hermann Hesse ou Charles Nodier auquel nous devons Trilby ou le lutin d'Argail, mais aussi des poètes et des compositeurs. Pour tout un chacun ce nom évoque les homoncules qui recueillent Blanche-Neige ou encore ces statuettes que l'on aperçoit dans les jardins. Malgré des études érudites, ces individus sont encore nimbés de mystère. Les contes et légendes rapportant leurs faits et gestes ont plus accrédité des stéréotypes que dévoilé leur véritable nature. Bref, les nains forment un ensemble d'une complexité redoutable, eux dont la pérennité est des plus étonnantes, et l'image que nous avons d'eux est issue d'une longue tradition dont nous tenterons de cerner les contours. Le vocable " nain " est un terme générique qui recouvre des êtres formant quatre groupes distincts : les génies domestiques, les génies de la nature, les esprits tapageurs et les nains proprement dits. Au fil des siècles, ces groupes se sont confondus et leur spécificité respective s'est estompée. Pour cette anthologie, nous avons essentiellement retenu des récits de croyance et, pour bien les distinguer de la littérature, des contes et légendes empruntés à divers pays. Le lecteur pourra constater combien la facture est différente, notamment en comparant certaines narrations avec leur adaptation littéraire que nous transcrivons lorsque cela est possible. La majeure partie des textes provient du monde germanique, de recueils inconnus en France parce que jamais traduits et souvent rédigés en dialecte local. Le classement en chapitre est destiné à procurer une vue d'ensemble des traditions, mais il est évident que chaque texte relève de plusieurs chapitres, selon le thème principal retenu. Cet ensemble de textes confrontera le lecteur à des motifs rares, voire inconnus ici. Qui sait que les nains ne peuvent venir à la surface du sol que quelques jours par an ?, que la perte de leur bonnet ou d'une chaussure les prive de sommeil ?, que les objets sacrés les fixent sur place ? Ces récits au bois dormant méritent de sortir de leur léthargie séculaire.

    Nains de la voluspa